La lune a fermé un ou deux rideaux. Une pluie fine interfère.
Je mesure ma mémoire des choses, mais non pas la mémoire elle-même, puisque le présent est aussi en train de déborder.
Nous créons la réalité rien qu'en existant. Ceci est tout aussi vrai pour la chouette qui somnole en ce moment sur une branche.
Un tigre dompté est aussi insignifiant que les gens qui prennent l'escalator de ce bâtiment. L’angoisse noyée dans le vin rouge revient comme le coucher du soleil.
En bas, dans la vallée, la guerre déploie sa logique ; de l'autre côté du ranch l'océan fait monter sa colère.
Mon père est né l'année où l'idée de l'éternel retour vint à l'esprit de Nietzsche ; probablement le même jour.
Un arbre a toujours du courage. D'ailleurs, nous sommes juste une fenêtre sur le monde.
Nous avons besoin d'un buisson de roses sur le balcon et que le téléphone ne sonne pas.
J'ai vécu uniquement par mes propres moyens, voilà pourquoi je suis un fleuve.
La mort n'était ni chaude ni froide lorsqu'elle touchait ta peau. La volonté n'est jamais affrétée, la matière est frustrée par ses limites.
Je voudrais que tu me voies étendue sur l'empreinte laissée par ton corps sur le lit, mais dans nos âmes la chaleur t'appartient.
C'est arrivé dans des années dont personne ne se souvient. Je n'ai pas tenté de faire quoi que ce soit de plus.
Ma propre disparition suivit un nuage qui m'avait trouvée assise dans un jardin.
Les tunnels reproduisent les schémas des artères. Il y a un ver dans le cœur qui se nourrit de sa pitance et dans la cour des oiseaux pour qui l’histoire importe peu, bien qu’elle ait brisé nos vies.
Un jour, le soleil ne se lèvera pas à son heure, alors le jour ne sera pas. Et en l’absence de jour, il n’y aura pas de nuit non plus. Ainsi, la Révélation se sera accomplie.
Etel Adnan, Nuit, éditions de l’attente, 2017, 70 p., 9€, pp. 47 à 50.
Fiche sur le livre et sur l’auteur sur le site de l’éditeur.
Dans Poezibao : bio-bibliographie, Adnan Etel, (A Paris), extrait 1