Des erreurs traumatisantes
Jean-Pierre Bellemare, ex-tôlard. Dossier Prison
Dans tous les pénitenciers de ma connaissance, des tests de dépistage de drogues sont effectués auprès des visiteurs.
En arrivant à la salle de contrôle, on demande aux visiteurs de présenter leurs mains qu’on frotte d’un tissu qui sera analysé. Convaincu de n’avoir absolument rien à vous reprocher, vous vous soumettez à l’examen. Cinq minutes, dix minutes et parfois une heure plus tard, le gardien revient avec un air qui vous condamne avant même que vous ayez ouvert la bouche. On vous met de côté en vous expliquant vos droits comme si vous veniez d’être pris en flagrant délit.
Déboussolé, renversé, désorienté, abasourdi voilà à peu près à quoi ressemble les montagnes russes qu’ils vous feront emprunter. Vous avez beau expliquer que vous ne touchez à aucune drogue, rien n’y fait, on vous demande de vous déshabiller pour une fouille approfondie. Vous vous soumettez à cet exercice dégradant et même si rien n’est trouvé, il demande de vous soumettre à un rayon x pour confirmer l’absence de drogue dans vos cavités corporelles. Si vous refusez, ils vont faire venir la police avec un mandat pour procéder. Sinon, vous vous engagez à ne plus revenir et on glisse une note dans votre dossier fédéral.
Vous voulez les poursuivre parce qu’ils n’ont rien trouvé et que vous avez subi un préjudice, cela ne sert à rien. D’autres ont essayé avant vous et sans succès, pourtant n’importe qui de bonne foi qui travaille dans le milieu vous dira que cette machine a beaucoup de ratés. Qu’elle nécessite un entretien minutieux et rigoureux pour bien fonctionner, et même encore elle reste défectueuse.
Le contact avec l’argent de papier est l’une des importantes raisons pour laquelle des visiteurs sont testés positifs. Les billets sont souvent utilisés pour sniffer de la coke. Puis quand le drogué va au dépanner s’acheter un 6/49, il laisse les billets en question pour repartir avec son change. Ironie, le citoyen qui rentre au même dépanneur pour s’acheter du nettoyant repart avec le billet imbibé de coke juste avant de visiter un prisonnier.
Les drogués utilisent aussi leur carte de crédit pour couper et raffiner leur coke. Par la suite, ils vont au guichet et insèrent leur carte imbibée de cocaïne, il s’en échappe des particules, qui plus tard seront récupérées par une autre personne utilisant le même guichet.
Le pire dans ce que je viens de vous décrire, ce sont les traumatismes que subissent ces gens que je considère comme la fleur de la société. Non, pas les riches, ni joueurs de hockey. Mais, les bénévoles qui sont traités trop souvent durement par les gardiens. Ces gens qui veulent apporter leur aide par leur présence ou leurs conseils à travers des réunions d’Alcooliques anonymes ou Narcotiques anonymes. Eux qui n’ont aucune rémunération, ni syndicat, sinon que leur bonne volonté de tenter d’aider leur prochain.
Ils sont essentiels pour le rétablissement spirituel ou moral. Ceux pour lesquelles j’ai une affection particulière ce sont les retraités qui au nom d’une croyance religieuse viennent nous offrir la bonne parole. Parmi ces bénévoles plusieurs ont dû passer des tests de drogues et ont testé positifs. Pas besoin d’entrer dans les détails, une dame de 78 ans à qui on détecte de la coke… en fait une dépression.
Ce genre d’histoire incroyable n’est pas unique. Les conséquences sont terribles, la personne ne revient plus au pénitencier, mais surtout elle se sent honteuse, coupable et humiliée. Les plus hautes instances sont au courant de ce genre d’incidents et les gardiens savent très bien que le fonctionnement de leur machine occasionne ce genre de dérapage. Alors, pourquoi cela continue-t-il?
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