2033. Il y a 20 ans que le monde est mort d’un suicide nucléaire. Dans le métro moscovite, les survivants ont bâti de nouvelles sociétés, entre rancœur et mauvais sang, mais aussi beaucoup de monstruosités mutantes et pas mal de phénomènes inexplicables. Et soudain, une nouvelle menace : les Sombres, une espèce dont on ne sait rien, sauf que de sa destruction dépend le salut de ce qui reste du genre humain. À la demande d’un ami, Artyom part dans les tunnels du métro pour rallier les autres survivants à cette nouvelle guerre…
Si on mesure la profondeur d’un traumatisme collectif à sa longévité, alors celui qui se trouve au cœur de Metro 2033 – l’apocalypse nucléaire – peut surprendre. Car avant ce jeu, il y a une autre œuvre, le roman éponyme de Dmitri Glukhovski qu’adapte ce titre et qui connut un succès populaire étonnant, d’abord en Russie puis dans le reste du monde. Succès d’autant plus curieux que l’ouvrage se vit en premier lieu publié sur le blog de son auteur avant d’être édité en version papier quelques années plus tard. Cette réussite auprès du public – une audience d’internautes d’abord, puis une autre plus conventionnelle – trouble car il s’agit d’un lectorat a priori plutôt jeune, du moins assez pour ne pas avoir connu la guerre froide et son corolaire, le spectre déjà évoqué de la guerre nucléaire.
Ainsi, ce traumatisme collectif dépasse le fossé des générations et va rejoindre celui des terreurs innombrables et plus ou moins conscientes autour, ou plutôt en dépit desquelles se développent les civilisations. Il dépasse le pur niveau psychanalytique en devenant partie intégrante de la culture, au sens large du terme. C’est seulement une fois ce stade atteint que l’univers de Metro 2033 peut se déployer, car à y regarder de près le moyen de l’apocalypse compte ici moins que le récit qu’il permet de raconter, or celui-ci dépend beaucoup de son monde. Et si l’ouvrage de base ne se démarque vraiment des standards du genre post-apocalyptique ni par son thème ni par son intrigue, il se montre néanmoins bien plus intéressant dans son atmosphère comme dans son ambiance.Ce monde d’après, en effet, se caractérise par une constante sensation d’enfermement, pour ne pas dire une claustrophobie pure et simple, qui exsude du moindre moment et du moindre lieu en leur donnant ainsi une aura à nulle autre pareille. Voilà ce que sut capturer à la perfection cette adaptation en jeu vidéo. Dans Metro 2033, le béton pourrissant et les rails couverts de rouille, comme les vieux planchers grinçants et les éclairages défaillants, expriment bien plus que n’importe quelle zone de gaz toxiques ou de radiations, voire même de monstres mutants combien la vie humaine est devenue précaire, pour ne pas dire optionnelle, dans ce monde que détruisit l’Homme d’un simple coup de folie. Voilà pourquoi la survie du genre humain occupe le centre du récit comme une évidence.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on trouve à la manœuvre le studio 4A Games, né d’une séparation avec GSC Game World auquel on doit la très recommandable série des STALKER adaptée, elle, d’un autre roman russe, Pique-nique au bord du chemin (Arcadi & Boris Strougatski ; 1972), ainsi que de son adaptation en film par Andreï Tarkovski (1932-1986). Car c’est tout le savoir-faire de professionnels à l’inspiration hors du commun qui bâtit Metro 2033 : de chaque architecture, du moindre éclairage, des plus insignifiantes textures, exsude cette moisissure et cette décrépitude qui annoncent la fin prochaine d’une humanité sous assistance respiratoire. Jamais, je crois, le jeu vidéo ne parvint à retranscrire avec autant de force la fragilité de la vie humaine dans un monde mort.Et cette lutte de tous les instants s’exprime dans nombre de mécaniques de jeu. Outre le réalisme des armes qu’il faut recharger, désormais truisme du genre FPS et auquel on ne fait plus attention, on ramasse les objets et on fouille les corps en pressant une touche au lieu de juste passer dessus ; il faut donc parfois choisir, lors d’un combat, entre s’abriter avec moins de munitions ou bien récupérer de quoi tenir plus longtemps mais au risque d’y rester. De même, on doit souvent recharger la batterie qui alimente les équipements électriques tels que la lampe frontale ou les lunettes de vision nocturne sous peine de les voir fonctionner moins bien, ou même plus du tout. L’univers du jeu lui-même d’ailleurs présente l’objet essentiel de la survie comme modèle de base, car les munitions ici servent de monnaie.
Si on peut reprocher au titre sa linéarité qui laisse peu de place à l’exploration en dépit d’un level design souvent retors, ainsi que quelques passages à la difficulté mal dosée mais tout aussi assurément incontournables, il n’en reste pas moins que Metro 2033 s’affirme comme une indiscutable réussite du jeu vidéo dans le genre post-apocalyptique : longtemps après la première partie, on languit encore de revenir à ces tunnels aussi obscurs que maudits.
Notes :
Metro 2033 est l’adaptation du roman éponyme de Dmitri Glukhovski.
Ce titre connut une suite, Metro: Last Light, par les mêmes développeurs, qui sortit en 2013.
Une version du jeu avec des graphismes améliorés et intitulée Metro Redux est sortie en 2014 sur PC, Playstation 4 et Xbox One.
Metro 2033
4A Games, 2010
Linux, Microsoft Windows & Xbox 360, environ 2€