Malgré une carrière relativement courte (il est d'abord remarqué à 29 ans comme accompagnateur de Miles Davis, lance officiellement sa carrière solo à 33 ans, et meurt 8 ans plus tard à seulement 41 ans) le saxophoniste fût l'une des plus brillantes, importantes, et controversée figure du jazz moderne. Non seulement sa courte période a été grandement prolifique, mais les compagnies de disque, voulant profiter de sa popularité en fin de vie, ont lancé à nouveau une tonne d'enregistrements, avec le nom de Coltrane sur le dessus, sans qu'auparavant il n'eût été clairement identifié comme figure de proue.
Coltrane a connu plusieurs cycles musicaux, ce qui rend sa discographie parfois confuse. Au début de sa carrière, il était plus be-bop, comme son idole Charlie Parker, vers la fin plus expérimental, sans aucun doute, il était extrêmement imaginatif et a révolutionné à lui seul, son instrument et le jazz en soi. Personne ne questionne la pratique presque religieuse de cet artiste, immense dans l'histoire de la musique.
Fils d'un tailleur, musicien amateur, et d'une mère au foyer, il perd coup sur coup, quand il a 12 ans, son père, ses grands-parents, et son oncle le laissant dans une maison composée de femmes, sa mère, sa tante et sa cousine. Sa mère lui achète un saxophone pour qu'il y noie sa peine et le petit John y met toute la gomme. Il fera du sax toute sa scolarité, jouant aussi souvent dans les clubs de nuit. En 1945, il a 19 ans quand il est recruté par la Navy à Pearl Harbor. Il n'ira jamais au front mais jouera dans le band de la Navy, noir caché parmi les blancs.
Lorsque libéré par l'armée, il jouera pour le Joe Webb Band avant de passer au Kid Kolax Band où il change son sax alto pour un sax tenor. Il jouera pour Jimmy Heath jusqu'en 1948, restant avec le band quand celui-ci devient le Howard McGhee All Stars Unit. À Philadelphie, il rejoint Dizzie Gillespie avec lequel il reste jusqu'en 1951. Le band de Gillespie est alors un septuor. C'est à ce moment, dans la vingtaine, qu'il devient sérieusement accro à l'héroïne. Johnny Hodges l'engage, mais le limoge aussi en raison de sa consommation excessive d'héroïne.
Son association avec Miles Davis lui donne le rayonnement qu'il attendait. Davis, un accro à la drogue lui aussi, a réussi, en 1955, a devenir sobre. Coltrane, qui ne l'est pas encore sera du band à Davis avec Red Garland, Paul Chambers et Philly Jones. Davis, pour des raisons contractuelles, enregistre beaucoup: Round' About Midnight, The New Miles Davis Quintet, Cookin', Relaxin', Workin', Steamin', ont tous John Coltrane au saxophone. C'est là que les compagnies de disques resortent les vieux enregistrements des années 50 en plaçant le nom de Coltrane en gros sur le dessus. À l'été 1956, John tente de se débarrasser des ses habitudes d'héroïne mais échoue. Miles le limogera pour ça avant de le reprendre un mois plus tard. Car le talent de J.C. ne se trouve pas partout. Davis le limogera une seconde fois, pour vrai cette fois, John, soigne-toi.
Coltrane s'enferme chez lui et se torture en se débarrassant tout seul de sa dépendance. Il enregistre ses premiers efforts solos en septembre 1957. Au printemps précédent, il avait joint le quartet de Thelonious Monk. Il enregistre ce qui deviendra Lush Life . Il enregistre aussi ce qui sera Blue Train. Une oeuvre majeure. Il rejoint Miles dans un sextet qui comprend aussi Cannonball Adderley. Il sera de Milestones de Miles Davis. Il enregistre ce qui sera The Believer. En se débarrassant de la drogue, il plonge dans une nouvelle: la religion. Il enregistre ce qui sera Soultrane. Et ce qui deviendra Settin' the Pace et Black Pearls.
Il sera du Newport Jazz festival avec Miles Davis et Thelonious Monk. Les sessions chez le studio Stardust regrouperont les futurs albums Standard Coltrane, Stardust et Bahia. Il change d'étiquette à L'aube des années 60, et enregistre avec Milt Jackson. Il sera de Kind of Blue, le chef d'oeuvre de Miles Davis. Giant Steps sera effectivement un pas de géant sonore. L'album ne comprendra, pour la première fois que des compositions de Coltrane. Il enregistre ce qui sera Coltrane Jazz, puis suit avec My Favorite Things, Coltrane Plays the Blues et Coltrane's Sound. Son succès devient même commercial. Il devient alors plus expérimental pour Olé et Africa/Bass. Il se veut plus avant-gardiste et libre. Certains parlent toutefois de bruits qu'il ne saurait répéter en spectacle. De l'anti jazz. Un album en spectacle fait ensuite fureur, avec son solo de 16 minutes sur Chasin' the Trane.
Il enregistre beaucoup en peu de temps par la suite, plus traditionnel, afin de faire taire les critiques: Coltrane, Ballads, Duke Ellington & John Coltrane et John Coltrane & Johnny Hartman. Impressions et Live at Birdland mélangent prestations studios et prestations sur scène. Crescent semble enfin trouver l'équilibre entre expérimentation et tradition. A Love Supreme le place au sommet de son art, en plein éveil des droits civiques aux États-Unis, l'oeuvre spirituel sera son plus grand vendeur ever.
Comme si on avait senti qu'il n'en aurait plus pour très longtemps, on lance tout ce qu'on a en studio portant la trace de Coltrane. The John Coltrane Quartet Plays..., Ascension, New Thing at Newport.
En 1966, il lance Kulu Se Mama et Meditations. Ses deux dernières oeuvres de son vivant. Il a toutefois enregistré ce qui deviendra Expression. Il avait tout enregistré le vendredi est entré à l'hôpital le dimanche, se plaignant de maux de ventre, pour y mourir dans la nuit de dimanche à lundi, du cancer du foie.
Il n'avait que 41 ans.
Cette année marque le 50ème anniversaire de la mort de cet influent saxophoniste qui aura appris à oser expérimenter, prendre des chances, en se dévouant corps et surtout âme pour son art.
Trane était immense.
Un documentaire de John Scheinfeld rend hommage au grand artiste que Trane aura été.