On l'a plus d'une fois éprouvé même si on s'évertue à le désapprouver...
Nos amours ont une durée limitée... quasiment mesurable... on est loin de l'incommensurable !
Ça commence bien et ça finit mal parce qu'on a du mal à le supporter. Supporter la dégénérescence, le déclin, la mort du sentiment.
le temps réduit tout au néant...
On a beau crier, le décrier, l'obsolescence est programmée.
La fin, la finitude est au cœur de chaque être... et le désir d'éternité n'est qu'un vague souvenir, une promesse qui ne peut être tenue.
Tous les amours y ont cru et ont fini par cesser d'y croire !
La chute est inévitable.
Le désir est une machine désirante qui commence par briller et finit par se rouiller... et cesser de fonctionner.
On sait comment ça commence, on sait ce que c'est que la croissance, puis la crise de croissance et enfin l'évanescence... notre énigmatique algèbre s'achève dans les ténèbres de l'oubli.
Un coup de foudre, le septième ciel, puis la descente en enfer.
C'est ce qui fait dire aux malheureux, qu'il n'y a point d'amour heureux.
Pourvu que ça dure, se dit-on, en sachant que ça ne dure pas !
Cette obsolescence est étroitement liée à l'essence même du désir.
Pour un matérialiste, c'est le cerveau qui n'est pas au niveau de notre romantisme de caniveau. Le moindre vœu dépend de notre système nerveux, d'une interaction entre des cellules qui agissent, pâtissent puis vieillissent.
Le désir qui s'en va, on ne peut le faire revenir... tout au plus l'entretenir, le retenir, l'attiser pour prolonger sa durée de vie, sa quantité ou son intensité.
Si le funeste destin ne s'était pas interposé entre Tristan et Ysolde, leur amour aurait été le plus court des amours.
Si la société n'avait pas tout fait pour séparer Roméo de Juliette, c'est la routine qui s'en serait chargée !
Il ne faut pas s'y méprendre pour autant, il n'y a pas d'amour "Duracell" qui dure plus longtemps, mais des tensions, des oppositions, des interdictions qui retardent la déchéance... en donnant aux amants une dernière chance.
Le pire, ce n'est pas la chute mais cette vaine lutte puisqu'on sait qu'on n'atteindra jamais le but... ni ensemble, ni séparément.
Le dur désir de durer ne peut pas durer. Ça nous gène mais c'est dans nos gênes...
Et puis, et puis il y a cette régression... cette progression vers le néant, qui nous fait le plus grand mal.
De voir l'autre, baisser le niveau de ses romances et de ses exigences. C'est insupportable... ce sourire qui s'éteint, cette bouche qui se plaint, ce cœur qui se vide au fur et à mesure ou du jour au lendemain...
Voir le désir à ce point vieillir... c'est mourir à petit feu.
Les esprits purs ou les sages qui ont la dent dure contesteront ce triste constat parce qu'ils ont eux la force du détachement, le cœur pur des amours désintéressés, l'âme favorisée par les dieux...
Mais ce n'est pas le cas de tous ceux que j'ai sous les yeux et qui n'ont jamais accédé au cœur de l'être, puisqu'ils vivent tous en banlieue... là où les amours réels ont lieu.