« Women House »
Niki de Saint-Phalle
A la Monnaie de Paris, les termes du débat sont fixés d’entrée : « Women House » est la rencontre de deux notions: un genre – le féminin – et un espace – le domestique. Dès cet instant le visiteur comprend qu’il entre en terrain miné, en zone de conflit et pour peu qu’il soit de sexe masculin, tente de se frayer un chemin discrètement entre les groupes de femmes venues soutenir l’argument de l’exposition.
Les deux femmes commissaires qui ont mis en place ce propos se sont appuyées sur trente neuf artistes venues de quatre continents, de l’historique Claude Cahun jusqu’à une jeune génération : l’artiste mexicaine Pia Camil, l’iranienne Nazgol Ansarinia, la portugaise Joana Vasconcelos, l’allemande Isa Melsheimer ou les françaises Laure Tixier et Elsa Sahal… Certains noms nous sont familiers (Louise Bourgeois, Niki de Saint Phalle, Martha Rosler, Mona Hatoum, Cindy Sherman, Rachel Whiteread) d’autres sont des découvertes : (Birgit Jürgenssen, Ana Vieira, Laetitia Parente, Heidi Bucher).
Le parcours de l’exposition, à travers la circulation dans les couloirs, les escaliers de la Monnaie de Paris, parsème de noms et de textes cette histoire au féminin, dont beaucoup de noms semblaient absents de l’histoire tout court, celle écrite par les hommes.
Le titre « Womanhouse » se réfère à l’exposition organisée par Miriam Schapiro et Judy Chicago en 1972 à Los-Angeles. Les dix sept « pièces » transformée par vingt cinq femmes artistes ont marqué un tournant décisif, nous explique-t-on, dans l’histoire de l’art au féminin. Avec la ferme intention de s’attaquer au système patriarcal, elles parodient alors les stéréotypes liés à la vie bourgeoise de l’époque où l’espace de la femme se réduisait à l’espace de la maison. Espace public masculin , espace domestique féminin. Une telle dichotomie ne pouvait qu’être porteuse de tension, conflit puis rébellion à cette autorité masculine instituée comme postulat.
« Une chambre à soi »
En 1929 Virginia Woolf, encourageait les femmes à trouver une chambre qu’elles puissent « fermer à clé sans être dérangé » dans son essai « Une chambre à soi ». C’est la date de « départ » de Women House.
L’exposition de la Monnaie de Paris décline alors plusieurs espaces pour tenter de cerner tous les aspects de ce lourd contentieux : « Desperate housewives », « La maison, cette blessure », « Une chambre à soi », « Maison de poupée », « ‘Empreintes », « Construire, c’est se construire », « Mobil-homes », » Femmes-maisons ».
Louise Bourgeois
Peut-être serait-il juste d’ajouter que ce réquisitoire contre la vie d’intérieur imposée à toutes ces femmes lorsqu’elles appartenaient à une classe bourgeoise impliquant leur statut casanier par vocation « naturelle » serait plus critique encore en s’adressant aux femmes n’appartenant pas à ce milieu social. Celles travaillant le plus souvent durement à l’extérieur, pouvaient légitimement se sentir doublement victimes d’une aliénation au travail puis à la maison.
La production contemporaine des femmes artistes met en balance cet intérieur honni, vilipendé et leur aventure intérieure personnelle montrée à la Monnaie de Paris.
Achevant sa visite, le visiteur masculin affronte alors avec quelque appréhension le dernier obstacle : l’araignée géante de Louise Bourgeois. Cette créature inquiétante serait-elle le résultat de l’asservissement de la femme à son espace domestique par la domination masculine au point d’avoir engendré ce monstre au féminin ?
Photos de l’auteur
Women House
Du 20 octobre 2017 au 28 janvier 2018
Monnaie de Paris
11, quai de Conti
75006 PARIS