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Les deux facettes de "L'évasion de C.B."

Publié le 02 juillet 2008 par Francisrichard @francisrichard

Les deux facettes de Quand "L'évasion de C.B." est sorti, j'en ai fait une recension, le 24 avril dernier, sur Radio-Silence (ici), recension qui n'est malheureusement plus en ligne aujourd'hui, surabondance de mégaoctets sur le site oblige.
Si je reviens sur ce livre que j'ai trouvé très jubilatoire et très fidèle à la vérité, c'est qu'après un moment d'euphorie et nombre d'articles parus dans la presse romande, un silence lourd comme l'or s'est établi à son propos au bout de seulement trois quatre semaines. Il est bien connu qu'il est préférable que l'on dise du mal de vous que de n'en rien dire du tout. Les média, dans un éclair de lucidité, l'ont  compris et font depuis le gros dos. Et certains libraires font de même...
Selon l'éditeur, Slobodan Despot, qui a fait ses classes aux éditions de L'Âge d'Homme - ce qui est une référence -, ce silence est tombé quand les média en question se sont rendu compte que ce livre dérangeant n'était pas seulement un roman à clés, grosses comme des clés de portes cochères, mais une étude très fine du fonctionnement de l'établissement politico-médiatique.
Le révélateur semble avoir été la diffusion, le 4 mai 2008, sur la TSR, du film de Hansjürg Zumstein, La Chute de Blocher, diffusé préalablement sur la DRS - le blog de Janus (ici) s'arrête d'ailleurs provisoirement (?) le lendemain. Il y avait une telle convergence entre le film et le livre dans la reconstitution des événements, qui ont abouti à la non-réélection de Christoph Blocher, que c'en était troublant. Décidément ce livre satirique, inaugurant un nouveau genre, celui de l'"anticipation rétroactive", n'avait pas qu'une facette. Il pouvait se révéler dangereux pour la paix des membres profiteurs du système qui n'arrivent à s'entendre que contre l'empêcheur de tourner en rond.
Cette fine analyse du système en révèle en effet les acteurs dans toute leur nudité et leur absence de vues à long terme. Sans porter de jugement, relatant simplement les faits dans leur crudité, le livre, qui n'épargne personne, fait cependant la part belle à C.B. dont l'intelligence politique est manifeste, et indéniable. Si le livre laisse planer un gros doute sur la volonté délibérée du même C.B. de s'évader du Conseil fédéral, où il a les pieds et les poings liés, il ne laisse aucun doute sur la capacité du conseiller fédéral non-réélu à tourner à son avantage les situations les plus critiques pour lui en apparence, y compris son éviction, devenant une évasion. De là à ce qu'il en soit lui-même l'organisateur...
Au moment où le processus d'exclusion de l'UDC d'Eveline Widmer-Schlumpf est engagé et où le film évoqué plus haut apparaît comme le meilleur des justificatifs, le dialogue entre C.B. et Eveline Schtrumpf, en fin de l'ouvrage, s'avère prémonitoire et le genre nouveau qu'est l'anticipation rétroactive prend alors tout son sens et son sel. Après que C.B. lui a dit que, quelle que soit sa décision, les dés sont jetés et qu'il ne sera de toute façon pas réélu, même si elle n'accepte pas de le remplacer à la tête du Département de Justice et Police, Madame Schtrumpf a en effet ce cri du coeur pitoyable qui, rétrospectivement, éclaire la suite d'un jour bien cru : "Je ne suis donc réellement qu'un pion".
Il faut donc lire et relire ce livre, publié aux éditions Xenia (ici) dont je reconnais humblement n'avoir pas mesuré toute la portée en le lisant goulûment, et d'une seule traite, dans le TGV qui m'emportait de Lausanne à Paris. Il a fallu que l'éditeur mette le doigt sur ce silence, si je puis dire, pour que j'apprécie à la fois le prix de ce silence et celui du livre.
Francis Richard  
 


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