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Mais la banque n’est pas un métier comme les autres. D’une part, le poids croissant des réglementations fait d’une banque, même « néo », une entreprise bien plus complexe que tout commerce en ligne. D’autre part, ses enjeux financiers sont sans commune mesure avec ceux de la plupart des startups. De plus, la banque contrôle des risques que l’entrepreneur traditionnel doit nécessairement prendre pour réussir. Enfin, la vision à long terme de l’un s’oppose à l’action immédiate de l’autre.
A mon sens, deux catégories de Fintech coexistent actuellement. D’un côté, les entreprises régulées qui ont développé un vrai business model. Ce qui a impliqué de constituer une équipe aux compétences pointues, veillant notamment à respecter les contraintes réglementaires. De l’autre, on trouve des entreprises dont la stratégie est exclusivement dédiée à l’acquisition de clients, afin de les valoriser auprès d’investisseurs, notamment de banques. Les premières se positionnent en concurrence frontale des banques et excluent naturellement toute prise de participation d’un acteur bancaire (sauf lorsqu’elles n’ont pas d’autre choix pour poursuivre leurs activités), alors que les secondes brandissent l’étendard de la « coopétition » pour susciter un rachat ou une prise de participation majoritaire.
Quel que soit le montant de la valorisation, le dynamisme de ce marché attire les convoitises. Etant régulièrement sollicité par des entrepreneurs souhaitant développer leur Fintech, je suis frappé par leur méconnaissance du marché. A l’instar de la plupart des startups, leur principal moteur se situe dans un mécontentement, en l’occurrence ici vis-à-vis de leur propre banque. Ils prennent donc le problème à l’envers et cherchent à améliorer à tout prix tel ou tel aspect de la relation bancaire, repoussant à plus tard les problématiques d’organisation, de conformité et de rentabilité.
Ma première réaction est plutôt négative. Pensent-ils réellement réussir en quelques mois là où d’autres s’acharnent depuis des années à faire évoluer les réglementations, à investir massivement pour décrocher des agréments et constituer des équipes d’experts ? Dans un deuxième temps, je m’interroge… Aurais-je vieilli ? De nouveaux modèles d’investissement et d’entrepreneuriat sont-ils en train de naître ? Le cas d’Elon Musk est significatif. Ses idées semblent, au départ, un peu folles, mais au final, elles fonctionnent. Disrupter le secteur spatial ? Révolutionner la mobilité ? Impossible à première vue, a fortiori sur des secteurs très en pointe en matière de R&D et très règlementés. Mais pourtant… Musk aura certainement été inspiré par le travail de Clayton Christensen, auteur du « Dilemme de l’innovateur », sur la capacité d’une entreprise à focaliser son attention sur lesnouvelles attentes des clients.
Percer le coffre-fort des banques
Dans le monde bancaire, bien que les Fintech aient grignoté quelques parts de marché, aucune disruption majeure n’a vu le jour depuis l’apparition des banques en ligne. Personne n’a pour le moment réussi à « renverser la table », à cause de l’énorme barrière à l’entrée que la création d’une « vraie » banque nécessite. Avec beaucoup de cash, peut-être réussira-t-on à percer le coffre-fort des banques ? La question reste en suspens à l’heure où Orange rejoint d’autres acteurs du digital dans la course à l’échalote.
Pour le moment, les recettes des fonds d’investissement et des capitaux-risqueurs n’ont pas fait leurs preuves dans l’univers bancaire. C’est pourtant elles qui sont à la base de la réussite d’Amazon, AirBnB, Tesla, Uber. Aujourd’hui, compte-tenu des spécificités très variées des différents métiers bancaires, la simple volonté de « simplifier » des processus ne fait pas une entreprise. Si l’augmentation de capital est une recette connue dans le domaine du e-commerce pour compenser les pertes, peut-on raisonnablement imaginer de l’appliquer dans l’écosystème bancaire ? Softbank a récemment jeté un pavé dans la mare en constituant un fonds de 100 milliards de dollars dédié aux technologies, notamment bancaires. Un palier a été franchi. L’idée semble certes un peu folle, mais c’est bien pour cela qu’il vaudrait mieux ne jamais dire jamais.
A propos de l'auteur : Pierre-Antoine Dusoulier est fondateur d’iBanFirst.