Véronique Pittolo publie Monomère & maxiplace aux éditions de l’Attente.
Hier, j'ai perdu un as, mon 7, mes rouges.
À chaque partie, une quinte.
Je n'avais pas misé d'argent mais mon amour propre.
J'espère gagner aujourd'hui à 10 ou 7 de carreau.
Quand j'étais petite, le pire moment était le dimanche après-midi, on faisait une patience après le repas, puis on allait au musée :
la grande messe, Summer, l'Égypte, les antiquités. Louis XIV en Alexandre.
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Dans la tradition, le Roi de trèfle était Alexandre
le Grand.
Le Roi de pique, David.
David était petit mais roi.
Le dimanche soir, on regardait Léon Zitrone.
Allongé sur le divan, l'oncle Pierre écoutait le tiercé, un transistor collé à l'oreille (quarté -quinté plus).
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Je viens d'une famille éclatée.
À l'époque, ça ne se faisait pas.
Chacun avait un père, une mère, éventuellement
des frères et sœurs
et ça formait une famille.
La famille suffisait au bonheur de l'enfant.
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À l'école catholique, on ne disait pas que nos parents étaient divorcés ou séparés.
Le père de ma meilleure amie trompait son épouse avec la femme du poissonnier, ça ne se faisait pas. La poissonnière était plus sexy que son mari, on avait mal au cœur de la voir la main dans les saumons, écaillant un brochet. Elle ressemblait à Ginette Leclerc dans La femme du boulanger.
Dans la famille Poissonniers, on désirait la mère, automatiquement. Avec ses bottes en caoutchouc, le père ne faisait pas envie.
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C'était un plaisir de reconstruire ma famille comme un puzzle
(le père Coq, la mère Poule, l'oncle Dindon).
La Cane avec ses petits en ordre décroissant, sautillant dans la mare, je n'y touchais pas.
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Je croyais que le Valet était un Roi qui n'a pas réussi, j'avais des difficultés pour le placer à droite de ma Dame.
Chaque enfant unique dans la hiérarchie, le chat prenait la place du Saint-Esprit.
Du cadet à l'aîné, j'ignorais l'utilité du benjamin. Je constatais le flottement de la sœur, au milieu, ayant des difficultés pour trouver sa place. Chaque jour, se lever, s'habiller, manger, en sachant qu'on occupe la deuxième place, c'est épuisant. Savoir que l'aîné dort encore, que le petit dernier s'est
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endormi après le baiser du soir, que soi-même, on reste éveillé (c'est épuisant).
Tenir son rang, avoir un rond de serviette et savoir que parmi les frères et sœurs, on ne sera ni premier, ni dernier.
(…)
Véronique Pittolo, Monomère & maxiplace, Éditions de l’Attente, 2017, 102 p., 11€, p. 13 à 19.
Véronique Pittolo dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, lectures franco-finlandaises à la SGDL (06), "Une jeune fille dans tout le royaume", par Elisabeth Jacquet, "Une Jeune fille dans tout le royaume", par Anne Malaprade