Samedi 28 juin, on inaugurait en grande pompe médiatique Voguéo, le nouveau moyen de transport écologique et alternatif qui va sur l’eau. On a pu lire dans les journaux des témoignages enthousiastes de voyageurs mariniers, ravis d’aller plus lentement, mais dans des conditions tellement plus agréables que le métro ou le RER. Voguéo met entre 35 et 40 minutes pour faire les 10 km entre Maisons-Alfort et Bercy, mais on peut préférer les quelque 6 minutes en RER ou les 22 minutes de métro changement compris, car tout le monde n’a pas la chance de pouvoir rallonger son temps de transport uniquement pour le plaisir.
“Comme pour le tramway et Vélib’ et demain les voitures électriques, nous voulons accroître l’offre de déplacement à Paris et continuer à faire baisser la pollution, formidable enjeu de santé publique“, déclare le maire de Paris, Bertrand Delanoë. Mais enfin, de quoi parle-t-on avec Voguéo ? D’un nouveau moyen de transport alternatif ou encore d’un nouveau gadget sympathique ? Voguéo c’est une capacité de 70 personnes par bateau, là où une rame de RER en transporte entre 1600 et 2500, et une rame de métro en transporte autour de 500 personnes. Donc avec un bateau toutes les 20 minutes en heure de pointe, cela donne 210 personnes à l’heure… et avec les 4 bateaux, cela fait 840. Dans l’agglomération parisienne, 840 voyageurs à l’heure, c’est comme 0 voyageur à l’heure, ou alors combien de Voguéo faudra-t-il mettre à flot pour que cette offre alternative en devienne vraiment une ?
Finalement, c’est la grève surprise du RER A aujourd’hui qui vient bien à propos nous rappeler que l’enjeu des transports dans l’agglomération parisienne est une chose sérieuse. En temps de grève sur l’ensemble du réseau, on voit à quel point ces transports en commun sont indispensables et constitutifs de l’équilibre et du fonctionnement de la métropole. Mais aujourd’hui, avec seulement une ligne arrêtée, même s’il s’agit de la plus importante, on voit que Paris et son agglomération ne fonctionnent plus. Rappelons que cette ligne, une des plus chargées du monde et arrivant à saturation, transporte un million de voyageurs plus qu’un jour sur deux. Ce matin, le trafic s’est reporté sur la ligne E du RER, et la ligne 1 du métro, entraînant leur saturation, et multipliant les incidents, trafic perturbé signalait la RATP. Les bouchons du matin reviennent ce soir, et pour un 1er juillet, on signale à 17h00 plus de 160 km de bouchons autour de la capitale, pour l’arrêt d’une seule ligne !
A ce propos que penser de la sortie de Christian Blanc aux Assises de la Métropole, mercredi à Aubervilliers ? Certes le secrétaire d’Etat au développement de la région-capitale a beau jeu de nous mettre en garde sur les décisions trop évidentes et trop rapides, et de retour d’un voyage dans la Silicon Valley, il se disait persuadé que la voiture électrique c’était pour demain, dans 15 ans, et qu’il ne fallait pas se tromper et réfléchir avant de se lancer dans des investissements à 30 ans. Aujourd’hui disait-il « nous sommes tous dans une optique qui est le développement des transports en commun, je suis de ceux-là » mais ajoutait-il peut-être trouvera-t-on dans 30 ans « que nous avons mal analysé la situation » et que nous avons pris « des directions qui ne sont pas exclusivement celles que nous aurions dû suivre. » Le mot exclusivement à son importance. Le développement des infrastructures routières fait partie de la dispute sur le Schéma Directeur de la Région Ile-de-France entre la Région et l’Etat, ce dernier souhaitant de plus forts développements routiers. Alors comment interpréter la sortie de Christian Blanc, si avare en commentaires, qui de façon sibylline lâche ce qui ressemble à un signal dans le bras de fer sur le SDRIF ?
Certes, mais il n’y a pas que la pollution qui compte, du moins celle par émission de gaz à effets de serre et autres polluants. Une métropole pour vivre doit être mobile, et la circulation doit y être fluide, facile, aisée. Mais la démonstration d’aujourd’hui montre que, quels que soient les développements souhaitables en termes d’infrastructures routières, ces derniers ne devraient pas remettre en question le besoin urgent d’infrastructures « structurantes » de transports en commun que sont les rocades et le maillage des réseaux. Et on ne peut que soutenir la position prise par le GART (Groupement des Autorités Responsables des Transporst) pour qui « la ville durable, moderne et accessible à tous a besoin de systèmes de transports collectifs fiables, performants et haut niveau de service » et pour qui « la relance de la « Région-Capitale » ne pourra se faire sans une relance ambitieuse des transports collectifs. »
Jean-Paul Chapon