Have A Nice Day avait ouvert la voie lors du dernier Festival Fantasia, soulignant avec fracas le retour en Occident des films d’animation chinois. Long-métrage fauché, esthétiquement détonant, par ailleurs violent, imparfait mais loin d’être dénué d’intérêt, le film de Liu Jian démontrait, si besoin était, que le pays du Soleil Levant avait du talent et des propositions à revendre.
Changement de cadre, d’ambiance, et de moyens cette fois-ci avec Big Fish & Begonia, coréalisé par Liang Xuan et Chun Zhang, narrant le destin de Chun, jeune femme faisant partie des « Autres », peuple céleste veillant sur la nature et les éléments terrestres. Ses seize ans atteints, Chun doit accomplir son rituel de passage à l’âge adulte, et passer sept jours dans le monde des humains. Une semaine, sous la forme d’un dauphin rouge, parcourant les mers et les océans, à la découverte des merveilles de cet univers lui étant inconnu. Ses merveilles, mais aussi ses dangers.
Dès lors, débutera une quête introspective et identitaire pour Chun, dont le sentiment de culpabilité, la douleur d’une mort injuste qu’elle ne peut accepter, vont l’amener à chercher à ranimer l’esprit de Kun, et en conséquence, mettre en péril les fondements mêmes de son monde.
Un monde étroitement relié à la Terre donc, deux faces d’une même pièce, deux dimensions connectées dont l’harmonie et la cohabitation sont régies par des règles ancestrales jusqu’alors inaliénables, que les décisions de Chun ébranlent pourtant par leur audace et leur insouciance.
Une donne qui d’ailleurs n’est pas sans rappeler Le Garçon et la Bête de Mamoru Hosoda, où Kyûta, un jeune garçon de neuf ans, s’immisce lui aussi dans un monde qui n’est pas le sien (en l’occurrence le Royaume des Bêtes), et perturbe par ce simple fait l’ordre et l’équilibre maintenus depuis des siècles.
Si Big Fish & Begonia répond d’une logique similaire, on pourrait cependant ajouter qu’il gagne en poésie ce qu’il perd en cohérence et en richesse, voire en justesse.
Souvent émouvant, efficace émotionnellement, les larmes ne sont jamais très loin de déborder face à la volonté naïve et désespérée de Chun de sauver l’être aimé. Une pureté émotive donnant d’ailleurs lieux à des séquences oniriques, parfois épiques, de haute volée, pendant lesquelles les deux metteurs en scènes font preuve d’un vrai potentiel visuel, aux iconographie folklorique et fantastique fortes. Si l’utilisation parfois hasardeuse du numérique ne manque pas de sauter aux yeux, les retours plus fréquents à l’animation traditionnelle offrent quant à eux des moments de félicité insoupçonnés.
Inexpérience, trop-plein de générosité, ou scénario insuffisamment soigné, toujours est-il que les coréalisateurs de Big Fish & Begonia échouent néanmoins à tenir la note jusqu’au bout. Outre le fait que ce dernier compte au bas mot une bonne vingtaine de minutes en trop, délayant le rythme et rendant la conclusion interminable, le caractère par ailleurs anecdotique des « Autres » que l’on considère finalement comme des humains à part entière, Liang Xuan et Chun Zhang, à compter de la moitié du récit, donnent l’impression d’être à court d’idées à même de relancer leur idée première, certes solide et alléchante, mais bien trop mince (car trop seule) pour faire de Big Fish & Begonia une œuvre dense pleinement satisfaisante.
Un constat d’autant plus dommageable que la symbolique des dauphins, d’un point de vue environnemental (le fléau de la pêche intensive, le massacre des mammifères marins) comme social (le rejet de l’étranger, la spécificité des personnalités sacrifiée par le poids de la société), appelait à elle-seule davantage d’ambition dans l’écriture et son exécution.
Liang Xuan et Chun Zhang ont ainsi manifestement préféré mettre simplement l’accent sur une réalisation soignée et un récit à la portée des enfants, faisant de Big Fish & Begonia au final un agréable moment, qui laissera cependant un arrière-goût de rendez-vous manqué, car espéré plus grand.
Film vu dans le cadre des Sommets du cinéma d’animation 2017.