Madame la présidente, Mes chers collègues,
100% d’entre nous allons mourir !
J’espère ne pas vous annoncer de mauvaises nouvelles mes chers collègues.
Mais rassurez-vous, car comme le disait si bien Marcel Pagnol, « la mort, c’est tellement obligatoire que c’est presque devenu une formalité. »
Pour être sérieux, la mort est une des rares questions qui nous concernent tous. Et puisqu’on ne peut y échapper, mieux vaut l’aborder et la préparer sereinement.
Et, croyez-moi, il vaut mieux, car on meurt vraiment mal en France.
Très mal même et toutes les études et missions faites ces 15 dernières années le démontrent.
Et surtout, ce n’est toujours pas le mourant qui est au centre des décisions, mais encore trop souvent celles et ceux qui sont autour du lit. Et cela malgré les trois lois Leonetti de 2005, 2008 et 2016 !
Cette question est donc importante pour tous les Franciliens et toutes les Franciliennes. C’est pourquoi le groupe RCDEC a souhaité vous présenter ce plan d’accompagnement de la fin de vie.
Rassurez-vous et pour revenir sur des arguments étonnants entendus pour s’opposer à notre texte : cela ne serait pas de nos compétences !
Soyons-clairs, même si ma conviction est qu’il faut une autre loi qui mette vraiment le mourant au centre des décisions et que je milite pour l’accès universel aux soins palliatifs mais aussi pour la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, il ne s’agit nullement d’aborder ici ce débat qui n’est pas de notre compétence. Que cela soit vraiment clair chers collègues. Je ne suis pas ici en tant que président de l’ADMD mais bien comme élu régional représentant sur ce texte le groupe RCDEC.
Ce plan est donc pleinement ancré dans nos compétences puisqu’il propose des mesures pour notre région, pour toute la population, pour les jeunes dans le cadre des lycées et CFA et concerne, comme vous le savez les formations sanitaires qui dépendent totalement de nous, puisque vous avez même proposé un amendement en ce sens dans le précédent rapport.
Par ailleurs, la région ne peut être absente du débat sur les lois bioéthiques qui s’ouvre en 2018 car elle doit notamment y promouvoir l’accès universel aux soins palliatifs et la lutte contre la douleur ou encore celui que vient d’ouvrir le Conseil économique, social et environnemental.
En être absent pourrait nous mettre dans la difficulté, nous qui avons quand même la chance d’avoir 40% des lits de soins palliatifs alors que nous n’avons que 18% de la population française.
Imaginez la situation de beaucoup d’autres régions et même de départements comme la Guyane qui n’a même pas une unité de soins palliatifs.
Notre plan est motivé par le fait qu’on meurt mal en France. Excusez cette énumération à la Prévert : 65% des personnes qui meurent à l’hôpital le font dans de mauvaises conditions selon les soignants ; 12 % des mourants ont des douleurs réfractaires qu’on ne peut soulager ; 76% des personnes qui meurent à l’hôpital meurent seules sans leurs proches ; seuls 36% des personnes meurent à domicile alors que 85% voudraient mourir chez elles ; l’acharnement thérapeutique continue avec 50% des chimiothérapies données dans les 15 derniers jours de la vie ; et M. Leonetti dans son dernier rapport confirme aussi cela pour de nombreuses Ephad. Enfin, seuls 20 à 25% des mourants qui en ont besoin bénéficient de soins palliatifs alors que ces derniers sont universels en Belgique ou au Pays-Bas.
De graves dérives ont lieu car selon l’INED, 0,6 % des morts, soit 3400 personnes, recevraient un produit létal alors qu’ils n’ont rien demandé et, dans le même temps, ceux qui le demandent ne sont pas entendus ! Qui s’en inquiète ?
Par ailleurs et cela confirme la nécessité de notre plan, 70% des Français ne connaissent pas leurs droits en fin de vie et d’ailleurs seuls 2,5% des mourants - quelques dizaines de milliers de personnes - ont écrit des directives anticipées alors qu’elles sont reconnues, même si non opposables réellement malheureusement, et cela, depuis 2005.
Je ne vais pas vous présenter de manière exhaustive notre plan. En fin de session et de journée, je ne suis pas sûr que notre auditoire y résisterait.
Je vais juste insister sur quelques points et nous pourrons, après vos interventions, répondre aux questions des groupes.
Nous proposons d’abord de faire un état des lieux d’accueil pour la fin de vie dans notre région et des différentes ressources dont nous disposons.
Une cartographie permettra d’identifier clairement l’offre en Île-de-France. L’ORS a les moyens de mener ce travail utile et je sais que son excellent président, Ludovic Toro, y est favorable.
Il s’agit ensuite de sensibiliser lycéens et apprentis aux directives anticipées. Un bon moyen d’appréhender la mort. Parler de la mort ne fait pas mourir. C’est un moyen d’aider à mieux vivre, car quand on sait que tout doit se terminer on vit mieux le moment présent et on aime mieux ses proches. C’est une belle leçon de vie pour nos jeunes. Comme l’écrit si bien Martin Gray, « Il faut que l’homme apprenne à voir la mort comme un moment de la vie. »
Il nous faut aussi informer les personnes en fin de vie et leurs familles de leurs droits. Et, nous le pouvons par des campagnes et des kits d’information. L’Etat ne l’a jamais fait ! Jamais !
Il s’agit de créer une nouvelle formation sanitaire et sociale dédiée spécifiquement à l’accompagnement de la fin de vie et nous nous réjouissons que dans une précédente délibération, vous ayez fait un pas dans cette direction.
Il est aussi nécessaire de créer un réseau de vigilance en fin de vie basé sur le bénévolat pour accompagner les personnes en fin de vie et leurs aidants, trop souvent abandonnés à leur sort.
Enfin, notre région ne peut être absente du débat sur la fin de vie en 2018, car elle doit porter aussi le message de la lutte contre la douleur et pour l’accès universel aux soins palliatifs. Les Franciliens ne comprendraient pas que nous refusions de nous saisir d’un sujet essentiel.
Sur notre texte, je n’ai pas été exhaustif, car je suis sûr que vous avez lu le texte de notre groupe.
Soyez-en persuadés : les Franciliens sont très attentifs à cette question et à notre façon d’en débattre.
Ils ont souvent vu trop de proches mourir dans des conditions indignes. Récemment, le pape lui-même se prononçait contre l’acharnement thérapeutique, qu’on appelle désormais obstination déraisonnable et qui existe toujours en France.
Soyons donc à la hauteur, mes chers collègues, et construisons ensemble un plan régional ambitieux pour notre région.
Et, permettez-moi de conclure par cette belle citation de Jeanne Moreau : « On ne meurt que si l’on nous oublie. » Tâchons ensemble de ne pas oublier les Franciliens en fin de vie et leurs proches !
Je vous remercie.