La devanture est occultée par un lourd rideau métallique. Dans le couloir, une simple sonnette indique un “institut”. A l’intérieur, les locaux invitent à la détente avec spa et ambiance lounge. Sur son site Internet, le salon, situé dans le 17e arrondissement de la capitale - côté chic -, assure que la priorité est mise “sur l’échange entre masseuse et massé” et qu’il s’agit de “stimuler la libido”.
D., une jeune Algérienne d’une trentaine d’années, accueille les clients sélectionnés sur rendez-vous… Un univers bien éloigné de la traque des réseaux d’Al-Qaida en France. Pourtant, deux policiers de la Direction de la surveillance du territoire, la prestigieuse DST, spécialistes de la lutte contre les terroristes islamistes, devaient être mis en examen ce week-end à Paris dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour “trafic d’influence” , “corruption”, “usage de faux” et “proxénétisme aggravé”. Les jolies masseuses se livraient au commerce de leur corps et les deux policiers antiterroristes sont soupçonnés d’avoir assuré la “protection” du salon contre rétribution: 10000 euros par mois! Une confortable rente dont ils profitaient depuis au moins cinq mois.
Un nouveau service d’élite touché
Face à ce qu’elle a décrit comme une entreprise d’extorsions de fonds, la gérante du salon a déposé plainte en avril. Une enquête préliminaire a été menée discrètement par l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), la police des polices, qui a confirmé l’existence de ce racket. Mercredi dernier, les enquêteurs de l’IGPN ont finalement interpellé N. D., 38 ans, brigadier, et Y. B., 25 ans, gardien de la paix. Ils ont également perquisitionné leurs bureaux, ce qui a jeté un froid dans les couloirs flambant neufs de la future DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). L’affaire tombe particulièrement mal: ce “FBI à la française”, issu de la fusion de la DST et des RG, doit officiellement entrer en activité dans deux jours.
Après plusieurs affaires de corruption qui ont entaché la réputation de la police ces derniers mois, notamment à la Brigade financière, c’est un nouveau service d’élite qui est touché. “Ces deux policiers se sont comportés comme des voyous à l’extérieur du service, commente-t-on au ministère de l’Intérieur. Mais cela n’était pas directement lié à leurs fonctions à la DST.” Sur le plan administratif, ils ont été immédiatement suspendus et seront traduits devant le conseil de discipline en vue d’une éventuelle révocation. “Cela s’apparente à du proxénétisme, puisque les deux fonctionnaires ont fait en sorte que cette maison puisse travailler tranquillement et ne soit pas contrôlée”, souligne une source judiciaire. L’enquête vise désormais à déterminer s’ils ont bénéficié de la complicité d’autres services pour assurer la “protection” de l’établissement. L’avocat de la gérante, que nous avons contacté, n’a pas souhaité s’exprimer.
Source : http://www.lejdd.fr/cmc/societe/200827/prostitution-des-ripoux-a-la-dst_129365.html