Lundi 6 novembre 2017 à la Philharmonie de Paris. Un concert de Murray Perahia avec l'ensemble Saint-Martin in the Fields est toujours un évènement attendu. Le pianiste américain se hisse naturellement parmi les grands maîtres du répertoire classique et romantique, en prenant bien soin de garder une certaine distance par rapport aux extrêmes temporels (la baroque d'un côté, la musique dite contemporaine de l'autre).
Ce soir là, le public pouvait être rassuré. La 1ère symphonie en ut majeur opus 21 et le célèbre 5ème concerto pour piano en mi bémol majeur opus 73 dit l'Empereur de L van Beethoven. Je passe rapidement la Romance pour violon n° 2 opus 50 interprétée en début de concert par le premier violon de l'ensemble de façon plus qu'apprêtée avec un vibrato incessant, un manque d'énergie et de dynamique probant, accompagné d'un orchestre en sous-régime.
Pour la première symphonie, on assiste à cette singulière configuration d'un orchestre en formation de type Mannheim, resserrée, qui convient finalement assez bien au moins aux premières symphonies de Beethoven car tout à fait dans l'esprit des formations de cette époque. Pas de direction d'orchestre autre que le premier violon ce qui traduit toujours une sensation bizarre d'orchestre "en roue libre". Que dire ce cette version ? L'ensemble très homogène et la belle unité de cette formation interpelle toujours. C'est indéniablement sa force. On peut se rappeler qu'il nous a fourni des enregistrement mythiques lors de la direction musicale de Sir Neville Marriner. Depuis la disparition de ce dernier, l'ensemble n'a rien perdu de cette identité particulière. Cela étant dit, la première symphonie se déroule tout de même de façon assez "plan plan", sans grande conviction. C'est vraiment à s'interroger sur la compatibilité des ensembles anglais sur le corpus de symphonies de Beethoven.
Arrivé au concerto, l'impression s'avère plus variable. Quelques moments sont d'une réelle beauté plastique, la formation assez resserrée apportant plus de fondu sur l'orchestre et constituant parfois un bel écrin pour le toucher charnu de Murray Perahia. Ce dernier toutefois semble s'exposer à une pression perceptible, comme s'il cherchait encore à se convaincre de sa capacité à démontrer une quelconque performance.
Il faut tout de même signaler l'audace consistant à diriger ce concerto en l'interprétant au piano. Avec le 5ème de Beethoven, on atteint les limites de ce qui peut être conduit depuis le piano, même avec un pianiste de la trempe de Murray Perahia. C'est peut-être là que ce situe presque un point de rupture.
Si bien que finalement, le plus beau moment aura été incontestablement le mouvement lent où Murray Perahia lâche prise pour dévoiler un lyrisme d'une finesse extraordinaire et un toucher cristallin sur la main droite.
Le bilan donne un concert bien entendu de haute tenue mais qui n'aura pas vocation à marquer d'un pierre blanche les interprétations de compositions symphoniques ou concertantes de Beethoven. La machine est rodée, bien huilée et assez fiable mais sans éclats et finalement peu d'émotions.