N'ayons pas peur des mots : Utopia est une pépite. Certes, je ne serai jamais objectif avec Björk, mais j'ai su la critiquer. Notamment lorsqu'elle s'était - quelque peu - perdue avec Volta ou Biophilia. En 2015, l'Islandaise avait réussi à sortir la tête de l'eau avec Vulnicura. Aujourd'hui, alors que paraît son neuvième album, on est à l'heure de la confirmation. Et surtout, c'est aussi l'heure d'un magnifique retour vers le passé, celui de l'année 1997. Vingt ans après la sortie du fabuleux Homogenic, Björk semble s'être replongée dans cet univers glacial, métallique, mais néanmoins végétal, afin d'éblouir et rappeler qu'elle est la Déesse de la musique nordique.
Tabula Rasa
" Beau ". Voici l'adjectif que je pourrais ressortir à la fin de l'écoute des 71 minutes et 38 secondes d' Utopia. Pour l'album studio le plus copieux de sa carrière, Björk a fait table rase de ses derniers albums, trop complexes et parfois inaudibles. Largement moins expérimental au niveau sonore, Utopia montre que l'artiste islandaise sait parfois revenir à la simplicité qu'elle avait perdue ces dix dernières années. Parfois, les gens éprouvent des passages à vide, avant de se sublimer à nouveau et redonner la plus belle image d'eux. C'est la sensation que l'on éprouve avec " Future Forever " qui clôt l'album. Les labyrinthes ont tous une sortie, il suffit de la trouver, un jour, en levant les yeux.
Et en levant les yeux, en se ressassant tous les faits de sa vie passée, Björk a définitivement choisi de retrouver le sourire et de se remémorer ses plus belles heures musicales : celles où elle était à son apogée ; celles où elle régnait sur le monde de la pop expérimentale ; celles où le monde entier la vénérait. Bienvenus, alors, sont les " copié-collés " des années Post ou Homogenic. Plus qu'un faible jeu de mot entre le nom de son troisième opus et l'harmonie de ce nouvel album, Utopia est d'une rare homogénéité. " Arisen My Senses ", " Blessing Me ", " Features Creatures " ou encore " Saint " rappellent que ce fut la nature et la simplicité froide et électronique de Björk qui avaient fait son succès. D'ailleurs, si en 2006, on trouvait dans l'artiste française Emilie Simon un air de Björk, on pourrait presque dire qu'en 2017 les rôles se sont inversés. Un duo entre les deux artistes les plus végétales au monde n'aurait pas été aberrant, tellement l'univers d' Utopia s'y prête.
All Is Full Of Love
La magie de l'album repose donc sur le végétalisme des titres, mais aussi sur l'instrument le plus utilisé par l'Islandaise : la flûte. Si nous ne retenons que de tristes souvenirs de cet instrument, qui cassa nos oreilles pendant nombres d'années en cours d'éducation musicale, Björk montre qu'avec de la maîtrise et du talent, celui-ci peut nous émouvoir. Tu pourras aisément confirmer cela à l'écoute de " Paradisa ", " Courtship ", " The Gate " ou encore l'électronique et " Armyofme-esque " titre " Sue Me ". Tu le comprends, tout l'album regorge de pépites et je n'exagère pas. Il te suffira d'écouter aussi " Body Memory ", titre de 10 minutes, qui donne autant de frissons que de larmes et le sourire.
Enfin, en plus d'être une artiste créative et atypique, Björk est une féministe accomplie. Elle ne rate donc pas l'occasion de nous le rappeler, notamment sur " Tabula Rasa " :
Tabula rasa for my children
Let's clean up, Break the chain of the fuck-ups of the fathers
It is time : For us women to rise, and not just take it lying down
It is time : The world, it is listening
Alors que le ciel s'assombrit de plus en plus, alors que le froid et la nature morte se font de plus en plus ressentir, les quelques chants d'oiseaux, les quelques lumières musicales et vocales de Björk, redonnent le sourire. Définitivement, Björk est une artiste lumineusement hivernale.
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