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Jacobo Fijman – Le voyageur amer

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Jacobo Fijman – Le voyageur amer

Coin perdu grisâtre du matin.
La mer débouche ses bouteilles
de vins moussants.

Dansent comme des pantins
mes désirs, aérés par les vents ;
et coulent à pic en sanglotant,
les mains ouvertes, distendues.

La mer enivre mes sarcasmes –
aiguille d’horloges noires,
noctambules ;
conscience amère de la vie.
Lassitude.
Chavirements.
Gorges chevrotantes.

De jour en jour
j’apprête mes valises ;
je change les airs et les heures !

Les grises saisons m’ont laissé
le silence de ses lampions
infirmes, de veillée funèbre ;
et les ports leurs grues et leurs bateaux
enfiévrés d’esclaves et d’avertisseurs sonores.

S’allongent les aiguilles des horloges noires.
Sarcasmes.
Dansent mes pantins, aérés par les vents
sur le coin perdu grisâtre du matin.

*

El viajero amargado

Gris andurrial de la mañana.
El mar descorcha sus botellas
de vinos espumosos.

Bailan como muñecos
mis anhelos, oreados por los vientos;
y vanse a pique sollozando,
con las manos abiertas, distendidas.

El mar embriaga mis sarcasmos
aguja de relojes negros,
trasnochadores;
conciencia amarga de la vida.
Hastío.
Zozobras.
Gargantas temblorosas.

De día en día
preparo mis maletas;
cambio los aires y las horas!

Las grises estaciones me han dejado
el silencio de sus faroles
enfermos, de velorios;
y los puertos sus guinches y sus barcos
afiebrados de esclavos y bocinas.

Se alargan las agujas de los relojes negros.
Sarcasmos.
Bailan mis muñecos, oreados por los vientos
en el gris andurrial de la mañana.

***

Jacobo Fijman (1898–1970)Molino rojo (1926) – Poèmes, Po&sie, vol. 111, no. 1, 2005 – Traduit de l’espagnol (Argentine) par Amador Calvo.



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