Magazine Culture
Dessiner, peindre ? Tout remettre à plat.
* Pour la sécurité routière, une journée classée noire ne laisse rien présager de bon. A l’atelier, mes journées noires sont celles de l’encre et semblenttoujours prometteuses. Ce qui ne les empêche pas d’être les plus dangereuses, elles aussi.
*
Cent fois l’ombrage sur le métier.
*
Je dois m’arranger désormais avec ce paradoxe : être à la fois agueusique et homme de goût.
*
Pratiquer l’art de peindre pour ne rien dire.
*
La violence monte partout, jusqu’au langage courant. Pour preuve l’emploi immodéré de l’expression « du coup ».
*
Certaines choses nous parlent, d’autres nous hurlent.
*
Peindre sans doute pour donner une forme au présent.
*
Exposer l’art-thérapie, n’est-ce pas violer le secret médical ?
*
Derrida ne m’a jamais arraché le moindre sourire.
*
Le peintre, petit producteur, subit des pressions pour fixer son prix en le tirant à la baisse : trop élevé selon les critères du galeriste, ce qui rendrait la toile plus difficile à vendre. Calculons rapidement que pour une toile vendue 2000 euros, par exemple, l’artiste en retirera, au bout des comptes (prélèvement des commissions, charges sociales, impôts, matériaux, transport, fonctionnement de l’atelier — oui, les artistes, s’ils le peuvent, se chauffent, s’éclairent, se lavent les mains et les pinceaux, etc.) au maximum 700. Le galeriste insiste : 2000 euros, c’est trop, le prix ne passe pas auprès des clients, affirme-t-il. Il faudrait baisser à 1500, ce qui rapporteraitau mieux 500 à l’artiste. Certains vont accepter par nécessité, ayant besoin au moins de rentrer dans leur frais réels (mais où est passé le travail dans tout cela ?), d’autres non (plus prétentieux ? plus exigeants ? moins soumis ?), refusant de réduire leur tâche à peau de chagrin.
Conclusion vicieuse : pour vendre dignement, il faut avoir les moyens.
*
Le comble de la vanité : prêcher un convaincu dans le désert.
*
Acheter des tableaux pour teinter sa vie ou pour blanchir de l’argent crasseux ?
*
Il était sûr d’obtenir un bon dessin sans avoir à souffrir d’un effort. Voyant son dessin mauvais, il souffrit.
*