Indécence de l’attente et du coût
L’organisation du secteur dépend à la source du gouvernement, et plus spécifiquement des services qui supervisent l’hygiène alimentaire et environnementale. C’est ce bureau qui décide de la répartition des places de columbarium public, au terme d’un tirage au sort. Or, la fréquence de cette loterie ne permet guère de faire face aux 50 000 décès annuels. Du coup la liste d’attente s’allonge … sur plusieurs années !
Cela constitue une véritable insulte dans cette culture où le respect des morts, essentiel, implique d’installer au plus vite après la crémation, l’urne contenant les restes dans un espace réservé à cet effet, calme, bien entretenu, où la famille et les proches pourront venir prier en toute quiétude, où l’esprit pourra reposer sans soucis ni obstacle. Impossible d’accéder au statut d’ancêtre quand on est en transit entre plusieurs sites temporaires.
Se pose un autre problème : le coût. Les cases proposées par les organismes publics se négocient autour de 360 dollars de Hong Kong, ce qui constitue déjà une somme importante pour une majorité d’habitants très pauvres. Quant aux sites gérés par des entreprises funéraires privées, leur prix va de 6000 à 130 000 dollars, ce qui est juste insensé, et prive les moins fortunés d’une dernière demeure convenable, en adéquation avec les coutumes.
Le poids de la loi et de la superstition
Cette situation est encore compliquée par deux autres facteurs et non des moindres :
- L’entrée en vigueur durant l’été 2017 d’une nouvelle loi visant à réglementer le secteur des obsèques, oblige désormais les pompes funèbres à opérer sous licence ; sachant que seulement 20 % d’entre elles sont aux normes, on s’attend à une vague massive de fermetures … et à la suppression des 400 000 emplacements que ces entreprises géraient jusqu’à présent. Ce sont donc 400 000 urnes qui vont se retrouver sans cavurne.
- Il est très difficile de construire un cimetière à Hong Kong, parce qu’on manque de place certes, mais aussi parce que les chinois, très superstitieux refusent de vivre à proximité d’un espace de ce type, par peur des spectres. Du coup la moindre rumeur de chantier fait soudain chuter le cours de l’immobilier. Propriétaires et constructeurs refusent donc farouchement d’en entendre parler, par crainte de voir s’effondrer leurs investissements.
Bref c’est un véritable paradoxe que le gouvernement de Hong Kong est censé prendre en main, mais qu’il néglige, étant plus concentré sur la question du logement de ses 7 millions de citoyens, assortis de plusieurs dizaines de milliers d’expatriés occidentaux.
Des solutions précaires ?
Pour endiguer le problème, les autorités ont tenté de promouvoir ce qu’elles appellent « les sépultures vertes » ; il s’agit ni plus ni moins de proposer aux familles de répandre les cendres de leurs proches dans la nature, en forêt ou en mer. Bien évidemment cette solution n’enchante guère une population considérant l’hommage aux morts comme une priorité, ce qui passe obligatoirement par la mise en place d’un lieu fixe de recueillement.
Reste alors l’ultime décision : emmener les cendres dans un autre endroit, plus loin en territoire chinois, pour y trouver une tombe digne de ce nom. De plus en plus, s’ils le peuvent et obtiennent les papiers nécessaires, les habitants vont inhumer leurs défunts dans la proximité de Guangzhou, … qui se trouve néanmoins à trois heure de route minimum, ce qui constitue un trajet certain pour aller prier ses ancêtres durant Qing Ming, journée de célébration des défunts.
Cette option demeure complexe, on n’est jamais à l’abri de se faire confisquer les cendres au moment de passer les postes de douane, toujours suspicieuses d’un possible trafic de drogue. Peu à peu, des agences funéraires spécialisées ont vu le jour, qui prennent en charge certaines prestations comme le transfert des urnes en Chine, l’ensemble des démarches administratives… et proposent en sus des temples dans Hong Kong même, où venir se recueillir devant une plaque commémorative dédiée au mort.