Cinq ouvrages, c'est la tradition, constituent la sélection, annoncée ce matin, du Prix Rossel, en Belgique. Il sera attribué le 7 décembre, ce qui laisse le temps aux libraires partenaires (la liste est longue) de présenter les livres aux lecteurs et à ceux-ci de les découvrir avant qu'il n'en reste qu'un. Comme l'écrit Jean-Claude Vantroyen dans Le Soir, il s'y trouve trois femmes et deux hommes, trois éditeurs français et deux éditeurs belges. Une belle variété qui ne s'encombre pas de calculs politico-littéraires et dont voici le détail.
Victoire de Changy, Une passion singulière (Autrement)
Je n'avais pas lu ce premier roman à sa sortie le 30 août, j'avoue que j'étais un peu méfiant malgré l'enthousiasme manifesté par l'éditeur. J'avais tort. Cette simple histoire d'amour aborde toute la complexité d'une relation fondée sur une passion forte, dans laquelle il ne peut y avoir d'habitudes sous peine d'épuisement des partenaires. Or, il n'y a que cela, des habitudes. L'homme à la voix de cendres et la femme plus jeune que lui tentent bien de mettre sans cesse leurs liens à l'épreuve des surprises. Mais les plus grandes surprises n'arrivent qu'à la fin, elles révèlent ce que nous n'attendions pas du tout devant le tableau piquant d'un couple d'amants.
Laurent Demoulin, Robinson (Gallimard)
Celui-là, premier roman aussi, ne m'avait pas échappé à sa parution, il y a un peu plus d'un an. Un père y raconte sa vie quotidienne avec un enfant, le Robinson du titre, autiste. Le roman déborde d'un amour sans cesse en butte à la réalité d'un quotidien rendu parfois pénible par les rapports entre Robinson et le monde extérieur. Et, pendant ce temps, il faut bien travailler à une communication sur Roland Barthes promise dans un colloque, car l'université ne se préoccupe pas de savoir quelles difficultés s'opposent à la rédaction d'un texte.
Zoé Derleyn, Le gout de la limace (Quadrature)
Non, il n'y a pas de faute dans le titre de ce (premier, encore) recueil de nouvelles paru le mois dernier (et dont je n'ai lu que le début): Les éditions Quadrature appliquent les recommandations orthographiques de l'Académie française, est-il précisé - et c'est parfois curieux, comme un gout qui manquerait de goût par manque d'assaisonnement circonflexe. Du moins cela n'enlève-t-il rien au charmé prégnant dont font preuve les deux premières nouvelles, "Le camion" et celle qui donne son titre à l'ouvrage.
Marcel Sel, Rosa (Onlit)
Décidément, les premières fictions sont à l'honneur dans la sélection. Les habitués de ce blog ont déjà entendu parler de Rosa - c'était ici, à l'occasion du Prix Saga Café, qu'allait suivre, j'ai omis de vous le dire (mais je vais le faire tout de suite), le Prix des bibliothèques de la Ville de Bruxelles. Beau palmarès, déjà, et peut-être à suivre, pour un chroniqueur bien connu de toutes les personnes intéressées par la vie politique belge, mais pas seulement (voir Un blog de Sel et, en Belgique, l'hebdo satirique Pan, héritier d'une longue tradition ancrée sur un terrain voisin de celui qu'arpente Le Canard enchaîné).
Nathalie Skowronek, Un monde sur mesure (Grasset)
Etes-vous pour la confection sur mesure ou, comme presque tout le monde, pratiquez-vous le prêt-à-porter? C'est l'une des questions qu'on a envie de poser en découvrant le début (je n'avais pas le livre, paru en mars, et je me suis donc contenté des premières pages) du troisième roman de Nathalie Skowronek, qui a aussi publié un essai et est donc la plus chevronnée de la sélection. Avec elle, on plonge dans le monde des étoffes juives - ou des loques assemblées pour ressembler, méthode Carbone, à des vêtements existant par ailleurs. Mais il faudrait en lire plus pour en dire davantage...