Comprendre. Relégation, ségrégation territoriale, échecs scolaires, sans-emploi en masse, pauvreté… Autant de mots laissés de côté. Sans parler de ceux qui brûlent les lèvres: «l’enjeu social». Évoquer des territoires «en difficulté», c’est facile. Mais qui néglige «la France des oubliés»? Qui a cessé de voir «la France des invisibles»? Depuis la fin des Trente Glorieuses, nous constatons l’incapacité absolue des gouvernements successifs à endiguer le chômage, à corriger les échecs des politiques de la ville, à éviter l’effondrement du tissu urbain. Le problème des quartiers populaires n’est pas l’ethnicisation, ni la religion, mais bien la crise sociale, l’atomisation sociale galopante. Voilà ce qui pose la question de l’intégration. Combien de fois conviendra-t-il de l’écrire pour que cette élémentaire vérité pénètre les cerveaux à défaut des cœurs? Combien parmi les élus locaux qui refusent de baisser les bras, souvent les plus à gauche, communistes principalement, ont-ils alerté, nous rappelant à nos devoirs élémentaires de compréhension et d’effort de raisonnement ? Comprendre, monsieur Valls, ce n’est pas «excuser» on ne sait quelles «fautes» immanentes, c’est savoir, analyser, réfléchir, bref, s’affranchir d’une vision essentialiste de la société. Et comme par hasard, cette essentialisation concerne les plus pauvres, donc les premières victimes des inégalités! Ce fut l’honneur de la République de rompre avec les facteurs de différenciation fondés sur la nature, les traditions et les hiérarchies. Le «choc de dignité» dont ont besoin ces populations ne peut plus se satisfaire de paroles en l’air. On répète sans cesse que les quartiers s’éloignent de la République: M. Macron n’a pas tort, c’est la République qui s’éloigne des quartiers. Mais il n’a rien à répondre. Les faits sont têtus: pendant qu’il pérore et aligne les strophes, n’oublions pas que le budget de la politique de la ville baissera de 11% en 2018. Chacun pour soi…
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 17 novembre 2017.]