Violences Faites aux Femmes (VFF), que disent les chiffres ?
1/3 des femmes subissent des violences au cours de leur vie, 97% de ces violences proviennent des hommes. Il s’agit là bien évidemment des données générales et officielles. Mais ces chiffres ne reflètent pas la réalité et l’ampleur de la situation.
Une étude commanditée en 2009 par le Ministère de Famille et de la Solidarité Nationale (MFSN) du Bénin révèle que 69 % de femmes ont déclaré avoir subi des violences au moins une fois dans leur vie.
Les formes de violences les plus courantes sont les propos injurieux (88%) et la bastonnade (75%). Les moins courantes sont la séquestration (8,5%), l’excision (8%), les cicatrices de punition, les scarifications (7%) et l’assignation à des rites traditionnels et religieux (6%). Plus de la moitié des femmes interrogées (51,5%) ont subi au moins une fois dans leur vie des souffrances physiques ou morales. Ces souffrances subies sont : cris sur la femme (72,8%), menaces de divorce (32,8%), refus de manger ce que la femme a préparé (30,9%), est frappée au moins une fois (27,8%), plainte du comportement de la femme à la belle-mère (26,9%), injures à la femme devant les étrangers (22,6%), les violences sexuelles (28,5%), le viol de filles de 2-14 ans (1,4%), le rapt (8,5%), l’excision (15,0%).
Selon la même étude, Les types de violences faites aux filles sont surtout les bastonnades (88,1%) et les propos injurieux (87,1%). Toutefois, il a été relevé quelques formes de violences liées à la tradition notamment les séquestrations (7,2%), l’excision (2,8%), l’assignation à des rites (6,6%) et autres violences (8,1%). En plus de ces formes de violences, on peut citer le harcèlement sexuel, le viol et la traite des enfants.
Des statistiques précisent que 63% des filles issues de milieux ruraux sont mariées ou en concubinage avant 18 ans (Unicef, DHS 2003). Conscient que ces actes de violence ne sont pas sans conséquences, il faut ouvrir les yeux, briser le silence, en parler, condamner et évidemment reconstruire pour en finir avec les Violences Faites aux Femmes.
Selon les Nations Unies, le concept de violences faites aux femmes se définissent comme « tout acte de violence dirigé contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. Ce sont les violences à l’égard des travailleuses migrantes, la traite des femmes et des filles , les pratiques traditionnelles ou coutumières préjudiciables à la santé des femmes et des filles , les crimes d’honneur contre les femmes, et la violence familiale à l’égard des femmes. Elle ne désigne pas la violence sexiste subie par les hommes, mais concerne les personnes de sexe féminin de tous âges, y compris les filles âgées de moins de 18 ans ».
Avant d’aller dans le fond des VFF, je reviens un peu en arrière en disant que la violence est un phénomène social omniprésent dans la vie des individus du monde entier. Elle se manifeste aussi bien à l’échelle mondiale, collective qu’individuelle. Selon un rapport mondial de l’OMS sur la violence et la santé, la violence, qu’elle soit individuelle ou collective, fait plus d’un million de morts par an et autant de blessés, « La violence figure parmi les principales causes de décès dans le monde pour les personnes âgées de 15 à 44 ans. » le même rapport mentionne que les femmes représentent avec les enfants, une grande majorité des victimes de violence à travers le monde d’où l’intérêt de diverses organisations mais également mon intérêt personnel pour les VFF. Ces dernières ont des causes, des conséquences, et nous pouvons également lutter contre elles. Mais avant d’aborder ces points, je vais d’abord parler brièvement des types de violences.
Types de Violences Faites aux Femmes
Avant de parler des types e violence, laissez-moi vous raconter un cas de violence basé sur le genre.
agnie de son jeune frère, revient s’asseoir et la séance de causerie à trois commence. A trois, ils se mirent à se moquer d’une maîtresse du Sieur Lucien qui se trouverait à Cotonou, lorsque surgit la deuxième épouse de Lucien qui argue et soutient que les railleries lui étaient destinées. Tous trois lui expliquent qu’il ne s’agissait pas d’elle, mais elle persiste au point que Valérie perd patience et réplique ; Le Mari pris la réaction de Valérie pour un manque de respect et se mit à la bastonner, puis lui asséna un coup de coupe- coupe et lui fait une entaille au droit.
Blessée, Dame Valérie s’en alla du domicile conjugal pour celui parental où ses sœurs l’ont convaincue de porter plainte contre son mari. Au Commissariat de Police, il lui été recommandé de se rendre à l’hôpital pour prendre un certificat médical afin que la procédure puisse suivre son cours. Sur le chemin de l’hôpital, elle rencontre le Chef de sa collectivité qui lui suggère de résoudre le problème en famille et donc de laisser le certificat médical. Du fait de cette intervention, Dame Valérie fit demi-tour et décide d’atteindre le Conseil de famille avant de réagir. Le conseil qui était prévu pour le 29/01/2010 n’a pas encore eu lieu jusqu’à ce jour (fin de l’histoire).
En partant de l’exemple d’un couple, la première forme de violence est la violence psychologique (dénigrements, menaces). Ensuite s’en suit la violence verbale (insultes, le repas où monsieur ne parle jamais à sa femme mais seulement aux enfants). Très vite dans ce couple-là va arriver la violence sexuelle (c’est toujours monsieur qui décide quand faire les rapports sexuels et comment les faire, s’il faut garder une grossesse ou pas). Sortant du cadre de couple, nous comme exemple de violence sexuelle le viol, le viol conjugal, les sévices à l’égard des enfants, les harcèlements, l’inceste, etc. Ensuite nous avons la violence économique (droit à l’héritage, refus à la femme d’exercer activité génératrice de revenus, non accès à la propriété foncière, c’est toujours monsieur qui fait les courses, etc.). Par la suite, nous avons la violence administrative (monsieur confisque les papiers de madame, ses diplômes pour l’empêcher de chercher du travail, etc.). Enfin, nous avons la violence physique (brutalités, coups et blessures volontaires, torsions, séquestrations, homicides, etc.). Je rappelle ici que nous avons aussi un type de violence que je qualifie de violence sociale (répudiation, mutilations génitales féminines, gavage, l’esclavage, mariage forcé, mariage précoce). Tout comme beaucoup d’autres maux qui minent notre société, les VFF ont des causes.
Selon l’étude commanditée par le MFSN du Bénin publiée plus haut, Les types de violences les plus fréquemment observés sont d’ordre physique (74%), moral (74%) et psychologique (29%). Ce sont les femmes du Zou (71,4%), de l’Alibori (57%), du Plateau (56,1%), du Mono (56%), de l’Ouémé (55,2%) et de l’Atacora (54,3%) qui subissent le plus ces types de violences. En matière de violences faites aux femmes selon les pratiques coutumières et traditionnelles (choix forcé de conjoint à la femme, excision, lévirat, cicatrice de punition, etc.), c’est dans les départements du nord que ces pratiques sont dominantes notamment dans l’Alibori (66,3%), le Borgou (51,8%), l’Atacora (46,8%), la Donga (46,2%) et dans une certaine mesure les Collines (32,9%). Il faut donc reconnaitre que l’ampleur des violences varie d’un milieu à l’autre.
Causes des Violences Faites aux Femmes
Les causes et facteurs aggravants des VFF sont de plusieurs catégories. Entre autres, nous avons :
Les causes structurelles :
Les pesanteurs socioculturelles (préjugées et stéréotypes sociaux, pratiques traditionnelles et coutumières néfastes, éducation différenciée, pression sociale) ;
La pauvreté (dépendance économique des femmes) ;
La coexistence de plusieurs sources de droits (moderne, coutumier et musulman) complique davantage la situation des femmes qui sont souvent lésées ;
L’ignorance (analphabétisme, méconnaissance des droits par les femmes, silence complice des femmes) ;
Le dualisme sexuel et la hiérarchie entre les sexes plaçant le sexe masculin au-dessus du sexe féminin.
Les causes institutionnelles :
L’impunité dont jouit les auteurs de VFF (non existence et/ou non application des textes de lois) ;
La faible capacité des acteurs en matière de gestion et de traitement des VFF (police, gendarmerie, Centres de Promotion Sociale, agents de santé, leaders coutumiers et religieux, ONG, etc.) ;
La faible volonté politique de la part des dirigeants, aggravée par la crainte de s’opposer aux autorités coutumières et religieuses qui contrôlent le vote ;
Le manque ou l’insuffisance des structures d’accueil pour les femmes victimes de violence.
Conséquences des Violences Faites aux Femmes
Les VFF ont des conséquences sur plusieurs plans. Ainsi, sur le plan social, nous avons la dislocation de la cellule familiale (conséquence négative des VFF sur les enfants, la délinquance par exemple), la déstabilisation psychologique de la mère et des enfants, la prostitution, le faible taux de scolarisation des jeunes filles, la non-participation des femmes à la prise de décisions.
Sur le plan économique, on assiste à l’appauvrissement des femmes et des ménages, le coût des violences pour la famille et la société sans oublier le manque à gagner du fait de la non-participation des femmes aux activités et prises de décisions relatives au développement.
Les conséquences sur le plan sanitaire ne sont pas moindres non plus. A cet effet, nous avons les lésions physiques, les traumatismes et autres troubles psychologiques, les grossesses prématurées et non-désirées, les avortements, les IST, le VIH-SIDA, la fistule obstétricale, les éventuelles impossibilités de procréation, etc.
Il est important ici de préciser que les conséquences des VFF vont au-delà de ces simples énumérations que j’ai faites. Les conséquences sont énormes, elles sont négatives et les violences en elle mêmes constituent des crimes ou des délits passibles de sanctions de diverses formes (disciplinaires, emprisonnement des acteurs, etc.).
Quelques propositions de solutions pour la lutte contre les Violences Faites aux Femmes
La meilleure manière de résoudre un problème est de s’attaquer à ses causes. Cependant, parmi les causes citées ci-dessus, certaines sont difficilement attaquable que d’autres.
Pour lutter contre les pesanteurs socioculturelles ainsi que l’ignorance, il faut véritablement briser le tabou sur le sujet. Il faut en parler autour de nous, dans nos environnements proches et lointain, il faut sensibiliser nos proches sur le sujet. Il faut sensibiliser et communiquer pour un changement de comportement. Plusieurs actions sont déjà menées et continuent d’être menées, l’initiative Tolérance Zéro au Bénin par exemple. Mais il faut que ces actions soient pérennes dans le temps.
Pour le problème d’analphabétisme, il serait louable de traduire dans nos langues locales les dispositions législatives existantes et à venir en matière des droits de la femme et des VFF.
Pour lutter contre l’impunité, il faut non seulement que nos parlementaires légifèrent sur des problèmes réels de notre société, mais également que des sanctions soient prévues et appliquées avec la dernière rigueur aux acteurs des violences. Il faut un plaidoyer pour la ratification et l’adoption des textes internationaux, l’harmonisation des textes nationaux avec les conventions et traités internationaux signés, l’adoption d’un cadre juridique fonctionnel, la mobilisation des fonds (notamment auprès des bailleurs de fonds internationaux), la mobilisation sociale au niveau national, sous régional et international (par exemple, 30 jours d’activisme contre les VFF).
Il faut doter nos institutions et les centres de promotion sociale des outils efficaces de lutte et répression. Il faut renforcer la capacité et la concertation entre les acteurs de lutte. Il faut renforcer la prise en charge holistique des victimes survivants aux violences (assistance sanitaire, hébergement, aide juridique, assistance économique, médiation, aide alimentaire, soutien psychologique, réintégration sociale).
Il faut également Solliciter une implication des chefs religieux et traditionnels, les responsables politiques, les hommes dans les luttes contre les violences à l’égard des femmes et des filles.
En conclusion, les Violences Faites aux Femmes (VFF) constituent une des violations des droits de la personne les plus répandues et un obstacle au développement. Elles sont de plusieurs formes. Elles ont des causes aussi bien structurelles qu’institutionnelles et des conséquences qui ne sont pas les moindres. Mais la bonne nouvelle, c’est que nous pouvons lutter contre ces violences et chacun doit jouer sa partition : c’est un combat de tout le monde.
Ainsi, au vu de tout ce qui précède, il est loisible et légitime de comprendre MOHAMMAD Rahmat (1998) qui affirmait ce que suit : « Même si des pratiques culturelles semblent dénuées de sens ou destructrices du point de vue d’autres communautés, elles revêtent une signification et remplissent une fonction pour ceux qui les suivent. La culture, cependant n’est pas quelque chose de statique… Les gens changeront de comportement, lorsqu’ils comprendront les risques et l’humiliation qui résultent de ces pratiques dangereuses, et lorsqu’ils se rendront compte qu’il est possible d’abandonner des pratiques néfastes sans renoncer à des aspects importants de leur culture ».
Bonus de l’article : si vous connaissez des femmes victimes de violences au bénin, merci de les orienter vers la police, la gendarmerie, les centres de santé, les centres de promotion sociale, les organisations telles que Care Bénin, la fondation RIFONGA, l’Equipe des filles de Parakou, l’ONG FADEC, Autre Vie ONG.
Etant donné que les femmes ne sont pas les seules victimes de violences, quid des violences faites aux hommes ?
Florent SAVOEDA