"Il y a dans toute chose une violence qui ne capitule jamais."
Bakhita mène une vie insouciante dans un petit village du Darfour, bercée entre une mère aimante et un père respecté. Jusqu'au jour où l'horreur pénètre violemment dans sa vie, à 7 ans, sous les traits d'esclavagistes violents et sans scrupules. Vendue à plusieurs reprises, l'enfant grandit en apprenant à perdre les êtres qui comptent pour elle. Si elle s'attache à une camarade, à un bébé fragile qui appartient à la même caravane qu'elle, s'est pour mieux souffrir quand leurs destins se déchirent. Elle oublie jusqu'à son nom.
Alors qu'elle pourrait s'effondrer et capituler, la jeune Bakhita lutte intérieurement pour s'échapper, elle se fabrique une forteresse intérieure pour éviter de sombrer dans la folie et le désespoir. Elle s'accroche à l'enfant insouciante qu'elle a été, elle garde l'espoir de revoir sa mère pour se lover dans ses bras, elle rêve de retrouver sa soeur pour à nouveau partager rires et jeux.
"La nuit se tient au-dessus des hommes, libre et immortelle. et cette nuit lui parle. Comme la terre l'a fait, qui se souvenait de la souffrance des esclaves passées avant elle. Bakhita comprend qu'on peut tout perdre, sa langue, son village, sa liberté. Mais pas ce que l'on s'est donné. On ne perd pas sa mère. Jamais. C'est un amour aussi fort que la beauté du monde, c'est la beauté du monde."
Elle aura la chance de rencontrer en Italie des personnes bienveillantes qui l'aideront à s'émanciper et à trouver les mots pour exprimer sa souffrance. Si, maitrisant peu la langue, elle laisse souvent les autres parler à sa place, elle prend finalement son destin en mains en décidant d'entrer dans les ordres, répondant ainsi aux sentiments qu'elle ressent profondément au fond d'elle.
"Mais rien n'est vrai, que la façon dont on le traverse. (...) Il y a ce que l'on vit et ce que l'on est. A l'intérieur de soi."
Par la puissance de son écriture, Véronique Olmi nous transporte aux côtés de cette éternelle enfant traversant des épreuves innommables, cette enfant qui, même adulte, donne l'impression de garder intact en elle cette candeur insouciante connue avant ses sept ans, ne comprenant pas bien le monde qui l'entoure, mais gardant la foi en l'amour et en la générosité envers et contre tout. L'auteure ressuscite cette magnifique Bakhita canonisée en l'an 2000 par le pape Jean-Paul II, et lui offre en cadeau ses mots bouleversants, qui l'inscrivent une nouvelle fois dans l'éternité de l'humanité.
Bakhita, Véronique OLMI, Albin Michel, août 2017, 460 p., 22.90 euros