Après le joli succès de La Délicatesse, David et Stéphane Foenkinos reviennent avec Jalouse qui, contre toute attente, serait bien la belle surprise de l’automne 2017. A sa tête, Karin Viard, à qui l’on offre ici un rôle en or tellement l’actrice excelle à nous mettre tout aussi bien mal à l’aise qu’à nous attendrir. Jalouse n’est pas qu’une comédie, le film possède de nombreux relents dramatiques qui poussent le spectateur dans ses retranchements.
Cinquantenaire et professeure de philosophie, Nathalie n’a plus vraiment la tête sur les épaules. Elle jalouse sa fille de 18 ans et danseuse classique jusqu’à empoisonner sa vie. La situation dérape lorsque Nathalie commence à s’en prendre aussi à ses amies, mais aussi à ses collègues et à son ex-mari. C’est invivable pour les autres, mais encore plus pour Nathalie elle-même qui se sent vaciller.
Jalouse est porté par l’interprétation impeccable de Karin Viard. D’une scène à l’autre, le ton change et tout bascule. A la fois froide et généreuse, c’est un véritable festival d’émotions que nous offre la comédienne. Elle joue délicieusement avec les dialogues qu’ont concocté David et Stéphane Foenkinos. Des dialogues qui frappent toujours là où ça fait mal et offrent des moments de pure comédie et tout aussi surprenant, des moments de malaise. Les frères Foenkinos prouvent encore une fois leur talent d’écriture, capable de s’approprier des genres et de les mêler les uns aux autres. Au-delà d’une comédie, Jalouse se révèle aussi comme un drame psychologique.
Le film met en scène la dépression d’une femme mûre qui ne semble plus avoir assez d’accroches pour se sentir à l’aise avec elle-même et dans sa vie sans s’en prendre aux autres. La difficulté du célibat à 50 ans, la mélancolie de la jeunesse, la dualité avec de nouveaux collègues, autant de thèmes traités qui dévoilent l’état psychologique du personnage. Pourtant, et c’est une des grandes qualités du film, Jalouse n’excuse jamais le comportement de Nathalie. Jusqu’au bout, le récit se concentre sur le mal être de sa protagoniste. On est souvent frappé par ses réactions qui ne sont jamais celles que l’on attend. Au lieu d’atterrir dans des territoires déjà conquis de la comédie à la française, Jalouse ose les situations sans jamais chercher à brosser le spectateur dans le sens du poil.
Certes, le film doit beaucoup à son écriture et son actrice principale mais il peut aussi se vanter d’avoir un casting secondaire délicat et impliqué. Anne Dorval en tête dans le rôle de la meilleure amie, offre la réplique à Karin Viard d’une manière naturelle et permet souvent au récit de s’envoler dans ses moments les plus émouvants. Thibault de Montalembert, Anaïs Demoustier, Dara Tombroff et Marie-Julie Baup ne sont pas en reste, chacun jouant un rôle clé face à l’état de Nathalie. Encore une belle preuve de l’équilibrisme apporté par l’écriture des Foenkinos qui arrive à trouver une place forte à chacun des personnages, une clé essentielle pour faire avancer l’histoire et à la rendre fluide. Même les moments les plus anodins de la narration font écho à un moment ou à un autre dans le film.
Le manque d’ambition visuelle serait le seul hic que l’on pourrait reprocher au film. Malheureusement, Jalouse ressemble à beaucoup d’autres films. Sur ce plan, c’est son ambiance feutrée et bourgeoise qui le sauve de la platitude. La mise en scène reste souvent au second plan, même si la caméra s’immisce avec facilité dans le quotidien de ses personnages et arrive à capter l’émotion.
Un film qui allie avec intelligence sujet grave, comédie et écriture des personnages est assez rare dans le paysage morne du cinéma populaire français. Jalouse fait partie de ces belles exceptions et le résultat est savoureux. On prédit aux Foenkinos encore un bel avenir dans le cinéma, et Jalouse ne fait que confirmer le talent de Karin Viard qui dresse un portrait subtil d’une quinquagénaire atteinte de mal-être.
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