A l'occasion du festival du polar de Villeneuve-Lès-Avignon, Bande Dessinée Info a eu la chance de rencontrer Stéphane Oiry. Cet auteur accompli, à la fois dessinateur et scénariste, a répondu avec passion sur son travail et ses projets à venir.
Bande Dessinée Info : Avant de travailler dans le milieu du neuvième art , vous avez oeuvré dans le domaine de l'animation, notamment sur l'adaptation de La mouche de Trondheim. Pourquoi avoir quitté cet univers au profit de la bande dessinée ?
Stéphane Oiry : L'animation n'est pas un domaine auquel je me destinais, c'est un concours de circonstances qui m'a permis d'intégrer ce milieu. En effet, un ami m'avait dit à l'époque qu'il avait un poste de décorateur à pourvoir sur l'adaptation de La Mouche en série télé. Après avoir mis les pieds dedans, d'autres productions se sont enchaînées. Seulement, ce n'était pas mon objectif premier quoique ce soit agréable à réaliser et assez rémunérateur également. Mais mon idée a toujours été de faire de la bande dessinée.
Bande Dessinée Info : J'ai pu voir qu' a travers vos divers projets, il y a eu de nombreuses collaborations avec Lewis Trondheim. Est-ce une relation qui fonctionne bien et un auteur avec qui vous aimez travailler ?
Stéphane Oiry : Mes collaborations avec Lewis ne sont pas si nombreuses. Après il est vrai qu'il a été mon éditeur et qu'il a toujours été présent dans mon paysage depuis mes débuts.
J'ai beaucoup aimé ses premiers albums et son travail, qui ont été très stimulants intellectuellement lorsque j'ai démarré la BD. En ce qui concerne la collaboration avec lui, je la trouve très saine, c'est quelqu'un qui parle franchement et un personnage qui peut paraître déroutant, mais il a ce mérite d'être direct. Quand il vous dit que c'est bien, il le dit sans arrière-pensée et lorsqu'il peut y avoir un souci, il va vous le dire simplement. Ce type de relation est assez confortable et instaure un climat de confiance idéale au processus créatif. En ce qui concerne le travail, il est très souple, très réactif et très à l'écoute des avis de ses dessinateurs
Bande dessinée info : Est-ce votre collaboration avec cet auteur qui vous à pousser à la pluralité des styles dans votre bibliographie, ou est-ce dans votre nature ?
Stéphane Oiry : Pour le coup, Lewis Trondheim n'y est pour rien dans mes orientations en tant qu'auteur car j'aime la bande dessinée sous toutes ses formes. J'ai commencé, il est vrai, pour la jeunesse, mais c'est à nouveau un concours de circonstances qui m'y a conduit.
En effet, lorsqu'on est un jeune auteur c'est vers la jeunesse qu'on va trouver plus facilement du travail et un public également plus nombreux. De plus, c'est un style que j'ai toujours trouvé stimulant, novateur avec une grande fraîcheur. J'en ai fait beaucoup avant de me tourner par la suite vers un public plus adulte où j'ai modifié ma forme en explorant sans cesse à travers mes différents albums.
Bande Dessinée Info : N'y a t'il pas un style que vous affectionnez plus qu'un autre ou des inspirations qui guident votre travail ?
Stéphane Oiry : Pas vraiment. Mon travail peut être influencé par mes rencontres ou mes envies. en ce qui concerne mes inspirations il est vrai que j'ai beaucoup travaillé sur l'adolescence notamment avec Appollo chez Futuropolis.
Mais si je devais dégager des thématiques, je dirai que j'ai une volonté de décrire ce qui est notre quotidien car ce qui m'intéresse c'est parler de ce que je vois.
Après j'apprécie dépeindre les personnages un peu en marge ou de sympathique loosers à l'instar de Maggy. J'ai toujours aimé ça, ce sont mes goûts en littérature, en cinéma et tout cela donne une tonalité à mes récits qui reflète mes idées.
Bande Dessinée Info : Intéressons-nous à présent à Maggy Garrisson. Qu'est-ce qui vous a séduit lorsqu'on vous a proposé cette série ?
Stéphane Oiry : Pour commencer, on ne m'a pas proposé Maggy, il s'agit du fruit d'un échange avec Lewis Trondheim. Au départ, le journal de Spirou souhaitait que je propose des planches car Frédéric Niffle désirait que je collabore au magazine. Mais je ne savais pas trop quoi lui proposer, c'est alors que Lewis s'est proposé à moi, et durant un an nous avons échangé et ainsi arrivé sur Maggy Garrison. Après, il est vrai que c'est moi qui lui ai proposé que cela se passe à Londres car y ayant vécu je voulais représenter cette ville. J'ai également soumis que le récit soit plus orienté polar.
Après une longue réflexion, il est revenu vers moi avec ce personnage de Maggy Garrison qui me permettait d'explorer des thématiques que j'affectionne particulièrement comme le Londres contemporain.
Enfin, l'idée de travailler sur le genre policier un peu décalé grâce à la patte de Lewis m'a motivé davantage sur ce projet. Lewis s'est également prêté au jeu du polar en orchestrant un scénario crescendo autour de cette héroïne.
Bande Dessinée Info : Cette série vous permet de retrouver Londres à travers le neuvième art, avez-vous effectuez un travail de recherche important ou y êtes-vous retourné pour l'occasion ?
Stéphane Oiry : Non, je n'ai pas eu la chance d'y retourner, je l'ai dessiné sur la base de mes souvenirs et j'ai effectué un gros travail de documentation via le net. Après je m'en suis un peu mordu les doigts car l'architecture londonienne est très exigeante et assez complexe.
Cependant, je suis satisfait, j'ai eu de très bons retours de londonien ou d'habitants du quartier représenté qui ont écrit pour dire avec quelle exactitude ils avaient retrouvé leurs arrondissements.
Bande Dessinée Info : La série se compose de trois tomes, l'histoire de Maggy se termine-t-elle à la fin de ces derniers ?
Stéphane Oiry : Non, la série n'est pas terminée, il s'agit de la fin du premier arc comme ont dit dans le milieu audiovisuel. Un tome 4 est prévu et je pense le commencer début 2018 car pour l'instant d'autres projets qui accaparent tout mon temps (rire).
Bande Dessinée Info : Quelle a été le retour des lecteurs sur ce polar atypique ?
Stéphane Oiry : L'accueil a été bon, et même très bon : nous avons un excellent retour critique et public, ainsi qu'un certain nombre de prix alors que le public visé est loin de la ligne éditoriale de l'éditeur. Mais je pense que la prépublication de la série dans l'hebdomadaire Spirou a aidé Maggy Garrison à trouver son public.
Bande Dessinée Info : Un chose est frappante lors de la lecture du premier tome, c'est le choix du découpage de la majorité des planches en 12 cases. Pourquoi avez-vous opté pour cette organisation pour votre album ?
Stéphane Oiry : J'ai choisi une structure en gaufrier qui peut paraître très rigide, mais avec laquelle je suis particulièrement à l'aise car je l'ai utilisée dans mes précédents album chez Futuropolis. De plus, c'est un mode découpage que j'affectionne car il permet de bien travailler le rythme et la narration.
Bande Dessinée Info :
Hormis la suite de Maggy Garrisson, quelles sont vos projets en bande dessiné ?
Stéphane Oiry : J'ai plusieurs choses sur le feu. Tout d'abord, un album chez Glénat consacré à Lino Ventura et scénarisé par Arnaud Le Gouëfflec et ensuite le retour à mon enquêtrice londonienne avec laquelle on ambitionne encore de faire un cycle de trois tomes.