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C'est un véritable cri d'alarme que les scientifiques ont publié lundi 13 novembre dans la revue BioScience. Un cri d'alarme si fort que le quotidien Le Monde en a fait sa Une en publiant l'intégralité de leur appel. Biologistes, physiciens, astonomes, chimistes ou encore agronomes, spécialistes du climat ou des océans, de zoologie ou d'halieutiques, tous les scientifiques mettent en garde contre la destruction rapide du monde naturel et le danger de voir l'humanité pousser "les écosystèmes au-delà de leurs capacités à entreteni le tissu de la vie."
"Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, les scientifiques appellent l'humanité à changer radicalement de mode de vie en adoptant une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd'hui" peut-on lire dans le dossier spécial de Le Monde.
C'est la deuxième fois que les scientifiques s'unissent pour alerter les gouvernements et les citoyens. Le premier appel, initié par le prix Nobel de physique Henry Kendall avec le soutien de l'association Union of Concerned Scientists, a été publié en 1992 à l'issue du Sommet de la Terre à Rio au Brésil. Un appel - signé alors par 1700 scientifiques - qui n'a pas été entendu puisqu'un quart de siècle plus tard, tous les indicateurs montrent une dégradation catastrophique de l'environnement sous la pression de l'Homme. "Toutes les tendances discernables en 1992 se sont aggravées. Et le pire est que l'on ne voit pas le bout du tunnel" expliquent les scientifiques.
La destruction de l'environnement est généralisée : Les forêts disparaissent au profit de l'agriculture, la biodiversité - la variété de la vie sur terre - disparaît à un rythme sans précédent et à une cadence toujours croissante (la moitié des animaux sauvages ont disparu de la planète en 40 ans), les gaz à effet de serre (notamment à cause de la croissance économique de la Chine, 1er pollueur mondial) et les températures continuent à croître, les ressources hydriques se raréfient (depuis le début des années 60, le volume d'eau douce disponible par habitant a chuté de moitié).
"Nous avons déclenché un phénomène d'extinction de masse, le 6ème en 540 millions d'années environ, au terme duquel de nombreuses formes de vie pourraient disparaître totalement, ou en tout cas se trouver au bord de l'extinction d'ici à la fin du siècle" previennent les scientifiques.
En détruisant la nature, nous nous détruisons nous-même
"La biodiversité nous en faisons partie : la nature, c'est nous. Dés que l'on admet cela, on comprend que détruire les écosystèmes revient à s'auto-agresser, qu'opposer la protection de la nature d'un côté à la création d'emploi et au court terme économique de l'autre est d'une totale stupidité" explique Gilles Boeuf, ancien président du Muséum national d'histoire naturelle au journal Le Monde.
"Dans les années 80, on nous a tellement reproché de faire du "catastrophisme", que nous, les scientifiques, et surtout les écologues, n'osions plus rien dire. Mais aujourd'hui nous allons droit dans le mur" explique encore le biologiste français Franck Courchamp.
"C'est dramatique car le sort de notre civilisation est engagé.(...) Lorsque, combiné au stress hydrique, le changement climatique commencera à accélérer - ce qui se produira -, les conditions nécessaires à l'agriculture ne seront plus réunies pour nous nourrir. Il faut s'attendre à voir d'énormes vagues de réfugiès climatiques" prévient également le spécialiste de la biologie de la conservation des grands carnivores Guillaume Chapron.
En 2016, 23,5 millions de personnes ont été déplacées à cause de conditions climatiques extrêmes, selon le dernier rapport de l'ONG Oxfam intitulé " Déracinés par le changement climatique ". Pour les neuf premiers mois de 2017, 1,9 millions de personnes ont été déplacées seulement à cause de la sécheresse.
Un ultime cri d'alarme avant qu'il ne soit trop tard
Du 6 au 17 novembre 2017 a lieu à Bonn (Allemagne) la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP23) présidée par les Îles Fidji. L'objectif est d'inciter les États à gravir un échelon supplémentaire dans leur ambition de lutter contre le réchauffement climatique et mettre le monde sur la voie d'un développement plus sûr et plus prospère. Cette conférence, qui intervient deux ans après l'étape majeure que représente l'adoption de l'Accord de Paris sur le climat, doit absolument aboutir à des mesures concrètes et rapides.
Dans leur appel, les scientifiques expliquent : "Nous mettons en péril notre avenir en refusant de modérer notre consommation matérielle intense mais géographiquement et démographiquement inégale, et de prendre conscience que la croissance délographique rapide et continue est l'un des principaux facteurs des menaces environnementales et même sociétales. En échouant à limiter adéquatement la croissance de la population, à réévaluer le rôle d'une économie fondée sur la croissance, à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à encourager le recours aux énergies renouvelables, à protéger les habitats naturels, à restaurer les écosystèmes, à enrayer la pollution, à stopper la "défaunation" et à limiter la propagation des espèces exotiques envahissantes, l'humanité omet de prendre les mesures urgentes indispensables pour préserver notre biosphère en danger."
L'appel des scientifiques aux peuples
Ce deuxième cri d'alarme des scientifiques sera-t-il entendu par les gouvernemnts avant qu'il ne soit trop tard ? les scientifiques invitent les populations à mettre la pression sur les politiques :
"Les citoyens doivent exiger de leurs gouvernements qu'ils prennent des mesures immédiates car il s'agit là d'un impératif moral vis-a-vis des générations actuelles et futures des êtres humains et des autres formes de vie. Grâce à un raz-de-marée d'initiatives organisées à la base, il est possible de vaincre n'importe quelle opposition, aussi acharnée soit-elle, et d'obliger les dirigeants politiques à agir".
Que faire pour sauver l"humanité ?
Dans leur appel, les scientifiques mettent en avant plusieurs mesures pour que "l'humanité puisse opérer sa transition vers la durabilité" :
- réduire la gaspillage alimentaire
- promouvoir une alimentation d'origine essentiellement végétale ("Si on réservait aux humains le blé, le soja ou le maPïs destiné aux animaux d'élevage, on pourrait nourrir 11 milliards d'humains" précise le démographe Hervé Le Bras)
- réduire le taux de fécondité tout en déterminant à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable
- mieux sensibiliser les enfants à l'importance de la protection de l'environnement
- promouvoir les nouvelles technologies vertes tout en réduisant les aides aux productions d'énergie utilisant des combustibles fossiles
- lutter contre la défaunation, le braconnage, l'exploitation et le trafic des espèces menacées
- privilégier la mise en place de réserves connectées entre elles pour protéger divers habitats terrestres, aériens et aquatiques qui permettent à la biodiversité d'exister et de s'épanouir
- restaurer les paysages de forêts et de prairies et ré-ensauvager les régions abritant des espèces endémiques
- réduire les inégalités de richesses et faire en sorte que les prix, les taxes et les dispositifs incitatifs prennent en compte le coût réel de nos schémas de consommation pour notre environnement
"Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l'échec, et le temps presse. Nous devons prendre conscience, aussi bien dans nos vies quotidiennes que nos institutions gouvernementales, que la Terre, avec toute la vie qu'elle recèle, est notre seul foyer" concluent les scientifiques. A bon entendeur.
Christina Vieira