Je vais essayer de faire plus court aujourd'hui (je dis bien essayer) parce que je suis total claquée et j'ai très envie d'aller me mettre au lit avec Anne-Laure Bondoux (sous forme papier).
Voici donc le compte-rendu de cette session numéro 5, deuxième du diptyque sur le style, dont l'objet principal est: l'imagerie.
Enfin, imagery. Comment on dit en français? Les images, il me semble? Ou tout simplement les figures de style? J'avais failli intituler cette session 'figures de style', mais en fait je me suis dit que ça sonnerait trop technique, trop sec, alors j'ai dit imagery, et puis finalement ce mot a ses propres problèmes - on y reviendra.
Disons pour simplifier: ces moments où l'on s'échappe un peu du sens littéral. Ces moments où certains mots ressortent de la page comme s'ils réclamaient notre attention immédiate. (Instagrammage toutsuite!).
Ces moments qui sont pour moi la raison d'être du texte littéraire. Mais bon, c'est mon opinion: celle de quelqu'un qui meurt de bonheur à chaque page d'un Maylis de Kerangal (M2K pour les intimes).
C'est parti, M2Kons donc!
Préparation
Figurez-toi que mes étudiantes n'avaient rien à préparer pour cette fois-ci. L'explication: je suis adorable et beaucoup trop gentille, et donc je dispense toujours de préparation la session du trimestre où les étudiant.es ont à rendre leurs évaluations formatives (un devoir qui ne compte pas pour leur note finale, mais qui aide à préparer leurs évaluations de fin de trimestre, appelées summatives, qui, elles, comptent).
Donc elles sont arrivées les mains dans les poches. Je leur avais cependant donné la liste de textes suivante en option:
- Davidson, D. (1978). What Metaphors Mean. Critical Inquiry, 5(1), 31-47. Link
- Lakoff, G. (1993). The contemporary theory of metaphor. In Ortony, A. (ed.) Metaphor and Thought. Cambridge: Cambridge University Press. Link
- Stephens, J. (1992) Language and Ideology in Children’s Fiction. London: Longman.
- Silvia, P. J., & Beaty, R. E. (2012). Making creative metaphors: The importance of fluid intelligence for creative thought. Intelligence, 40(4), 343-351. Link
- In the Routledge Encyclopedia of Narrative Theory: Metaphor; Metonymy; Visualisation
- Réviser les définitions de: métaphore, comparaison, synecdoque, métonymie, hyperbole, litote and euphémisme.
Cette liste était donc un mini-échec, à l'image de la session elle-même.
Session
Echec?
Bon, n'exagérons rien, mais c'est vrai que par rapport à la précédente où on a eu un état de grâce quasi magique, celle-ci était pas mal plus plan-plan.
Evidemment, le manque de préparation y est pour beaucoup, mais également le fait qu'on arrivait à un moment du trimestre (la sixième semaine) qui est dur pour tout le monde, y compris moi-même, et qu'en plus le soleil n'était même pas rouge, donc tout cela n'était pas formidablement inspirant, et je pense que le matériel manquait de précision technique. Somme toute j'ai donc été assez déçue de cette session qui, dans sa version 'atelier', fonctionne toujours hyper bien. Là, ça manquait un peu de souffle.On a commencé avec une discussion intuitive autour de la notion d'imagerie en littérature, avec les questions suivantes:
- Comment définiriez-vous l'imagerie, les images, dans un texte littéraire?
- Quels sont les fonctions de ce type de figures?
- Avez-vous en tête des exemples particulièrement frappants?
- A quels endroits des textes rencontre-t-on le plus souvent des images?
On a parlé de la différence entre sens littéral et sens figuré, de la question de savoir s'il existe des textes 'sans' imagerie. Est-ce là la différence entre texte littéraire et texte non-littéraire? Est-ce que l'image fait ressentir l'artificialité de l'oeuvre littéraire, ou au contraire ressortir son naturel? Quand une 'bonne' image interrompt la lecture d'un texte qui jusque là 'glissait' parfaitement, est-ce une bonne chose, ou non?
Est-ce que le contraire d'un texte imagé c'est un texte purement descriptif? On s'est demandé si cela existe vraiment les textes purement descriptifs. Est-ce que l'image met de la couleur, du grain, là où le langage ordinaire pourrait n'être que transparent, ou alors l'image elle-même rend-elle, paradoxalement, la langue plus transparente, permettant de voir, à travers l'épaisseur des mots, le monde plus clairement...
Et est-ce que l'image, c'est un peu le devoir - et donc le fardeau - de l'écrivain? Est-ce qu'on se triture trop la tête à essayer de trouver 'de belles images', parce qu'on s'imagine que c'est comme ça qu'il 'faut' écrire? Ces mots d'une étudiante :
"Il faut que je fasse des métaphores inhabituelles."
La métaphore ou comparaison inhabituelle comme épreuve-reine du 'vrai style': un sentiment beaucoup partagé, je pense, parmi mes congénères auteur/es...J'en profite pour citer, à ce sujet, un superbe petit fragment du journal de Clément Bénech, que vous connaissez peut-être comme l'auteur de Lève-toi et charme, L'été slovène et plus récemment Un amour d'espion (les trois tout aussi recommandables que le blog parfaitement enthousiasmant de l'individu):
12. 12. 2016.Je ne suis pas à 100% d'accord mais je trouve cette petite réflexion extrêmement bien vue et bellement formulée. Big up à celzéceux qui, s'étant brusquement trouvé.es en possession d'une belle métaphore/comparaison survenue au détour d'un chemin, se sont empressé.es de la noter quelque part pour la 'réutiliser' plus tard.
J’aime de moins en moins la métaphore, ou du moins celle que j’avais pratiquée jusqu’à maintenant, à savoir celle qui entend tirer sa beauté de l’établissement d’une correspondance, de préférence entre deux éléments très éloignés l’un de l’autre (j’appelle métaphore également la comparaison). Car au fond, je sais pour être en arrière-cuisine qu’une métaphore n’est jamais engendrée au sein même du texte en train de s’écrire, mais naît tout à fait par hasard dans la vie courante (je parle ici de ce que j’avais appelé jusqu’à maintenant une « bonne métaphore » – la mauvaise, pure ornement, naissant elle d’une suite de mots grâce à la seule force cinétique et par une paresse grimée en spontanéité). Oui, la bonne métaphore est toujours plaquée, et c’est ce qui devrait la discréditer aux yeux du romancier, lequel ne devrait pas chercher à additionner des valeurs en soi mais à créer une valeur globale par la conjugaison d’éléments qui, pris séparément, n’en ont aucune. Plus je vais et plus ce défaut de valeur intrinsèque des éléments qui composent un roman m’apparaît comme la condition d’un bon, d’un grand roman.
Ou encore - on le fait tous.tes... - le fameux 'recyclage d'image', d'un texte foutu à un autre, parce que tant qu'à abandonner cette sombre histoire qui ne fonctionnait pas, autant sauver les meubles, c'est-à-dire ces petits mots brillants dont on était toute fiérote...
Je n'ai pas pu hélas citer ce passage à mes étudiantes parce qu'elles ne parlent pas français et que ma grande générosité ne s'étend pas jusqu'à leur faire une performance de trad gratos au tableau blanc.
En général, quand je pose la troisième question ("Avez-vous en tête un exemple...?") en atelier d'écriture, les gens en ont en effet en tête. Une métaphore qui fonctionne, une image sublime qui tire son lectorat du petit train-train de l'histoire en cours, on s'en souvient, en général. Mais là, rien. Tant pis, passons.
J'avais ensuite préparé une petite slide pour nuancer un peu la définition 'sens propre, sens figuré' et parler du fait qu'on utilise de manière routinière des tas de métaphores et de comparaisons clichées, dont on n'a pas forcément conscience:
Tiens, petit défi pour les anglophones: vous me retrouvez les métaphores et comparaisons en question à partir de ces rébus? Si vous séchez, pas de panique, mes étudiantes elles-mêmes n'ont pas tout deviné...
A partir de là, d'autres questions: le style, est-ce avant tout le refus de l'image 'facile', la détection de ces clichés qui envahissent notre écriture quand on écrit au fil de la plume? 'Au fil de la plume', une autre image bien cliché, d'ailleurs...Ou alors est-ce que c'est la capacité, pas nécessairement de refuser l'image facile, mais de savoir exactement où la placer? D'y réfléchir, à ces coeurs battant à tout rompre, à ces cils papillonnants, qui accompagnent trop souvent le coup de foudre... et donc d'être consciente de ces expressions préfabriquées, et de jouer avec, quand on les ose.
J'en ai profité pour leur donner un truc infaillible: être bi-tri-quadri+lingue, c'est hyper utile question métaphores et comparaisons originales, parce que ce qui est cliché dans une langue peut être hyper chouette dans une autre. En anglais, two peas in a pod, c'est bête comme chou et cliché comme tout. Mais en français, magie de l'inhabitude, dire qu'on est comme deux petits pois dans leur cosse, hop ça semble tout nouveau, tout frais, tout vert et tout mignon. Deuxième devinette de la journée: te souviendriez-tu d'où je l'ai placée, cette expression-là? Cadeau de petit pois à la clef.
On est passées ensuite, donc, à l'étude d'images plus...
inattendues.
Je leur ai donné une petite sélection de passages plus ou moins lumineux à commenter:Je ne vais pas m'éterniser là-dessus parce que je n'ai pas envie de les traduire, mais notez que ça commence par la petite madeleine de notre Marcel national. On a eu là-dessus une super chouette discussion grâce à l'une des étudiantes qui a su nous expliquer que l'image faisait référence à la coquille Saint-Jacques portée par les pélerins en voyage pour Compostelle (chose non-évidente, comme vous pouvez l'observer, dans la trad anglaise que j'avais piochée).
J'ai confirmé avec enthousiasme que quand on marche vers Compostelle, on doit se trimbaler une coquille, chose que je savais de première main car j'ai moi-même fait une partie du pélerinage en juin dernier.
A ces mots j'ai vu mon niveau de coolitude fondre à une vitesse alarmante dans les regards de toute l'assemblée alors j'ai vite changé de sujet.
Autant dire que les autres citations ne les ont pas autant inspirées, mais on a pu parler des images typiquement chères à la littérature jeunesse, dont la fameuse tendance à hyper-personifier, à animer, voire à animaliser le temps qu'il fait, les arbres, les pierres et autres objets du quotidien.
En LJ, on aime bien quand ça bouge, et le problème, c'est que la nature c'est souvent assez statique quand c'est pas des animaux ou des chutes d'eau - alors pour faire gigoter tout ça, on se retrouve avec des lumières qui sautillent ou qui font des glissades sur les branches, une pleine lune qui pulse, un soleil qui montre un bout de nez, etc.
L'une des étudiantes nous parle de la pathetic fallacy, cet effet qui consiste à animer la nature de sentiments humains, ou alors de faire que les descriptions de nature, du temps qu'il fait, etc. soient symboliques des états d'esprit des personnages. C'est marrant, la pathetic fallacy - c'est un truc que toute la Grande-Brexonie apprend à l'école, mais à ma connaissance il n'y a pas d'équivalent français. C'est l'un de ces apprentissages nationaux dont on biberonne les élèves pour je ne sais quelle raison. Le petit grand-brexon apprend cela pendant que sa correspondante française est à la recherche d'Ornicar et s'aperçoit que merdalor, le chapeau de la cime est encore tombé dans l'abîme, les mecs faites gaffe la prochaine fois.
Inventer des images
On en arrive ensuite à une question controversée: y a-t-il une méthode pour inventer des images qui déchirent sa race?
Je vous donne ma réponse: oui.
Comme l'extrait du texte de Clément Bénech le laisse d'ailleurs entendre, l'art de la métaphore ou de la comparaison a son 'arrière-cuisine'. Si une telle image peut paraître, comme il dit, 'plaquée', c'est qu'elle peut naître hors contexte - qu'elle naît souvent, dirais-je même, hors contexte. Contrairement à Clément, je ne pense pas qu'elle naisse totalement par hasard. Je pense qu'il y existe tout à fait des manières de créer des images drôles, surprenantes, bizarres et belles. Car non, j'en suis convaincue, ça ne vient pas 'naturellement', même quand on pense qu'on n'a pas eu à réfléchir.
C'est une chose à laquelle j'ai beaucoup réfléchi quand j'étais en train d'écrire ce bouquin-là dont j'ai déjà fait une demi-seconde de pub au début de mes billets:
J'ai dans ce bouquin tout un chapitre sur les images, et ça me paraissait important de donner des conseils concrets, pas seulement 'concentrez-vous sur une pomme... comment pourriez-vous décrire cette pomme? quels sentiments vous inspire-t-elle? réfléchissez bien, et au bout du compte une jolie image va naître!'
Ca me paraissait peu utile.
Alors à la place j'ai essayé de disséquer un peu, le plus rationnellement possible, les opérations mentales que je fais moi-même, et que je pense que d'autres font, quand une chouette métaphore ou une cool comparaison s'extirpe apparemment toute seule de nos fort jolis Bics.
Voilà ma 'recette':
Cette fois je vous la explicite, sympa la meuf:
C'est ce que j'appelle la méthode 'du second degré'. Voici les étapes:
1) Se focaliser sur l'objet, l'endroit, la personne, etc. qu'on veut magiquement transformer par le pouvoir créateur de notre bel esprit en métaphore ou comparaison ravissante.
Ex. Fauteuil
2) Etablir une première liste d'associations libres, directes, immédiates, simples.
Ex. Confortable, doux, chaud, profond, moelleux, marron, cuir, tendre, pour dormir, pour s'asseoir, pour se reposer, etc.
3) Puis, en essayant de faire abstraction de l'objet de départ, repartir de la liste du 'premier degré', et pour les nouveaux mots, établir une seconde liste, avec de nouvelles associations/ évocations libres.
Ex. Dodu, touffu; maman, grand-mère; comme une bouche qui bâille; comme un muffin au chocolat; comme un grizzly endormi, etc.
(Oui OK c'est vaguement sexiste j'assume, on est dans l'association libre c'est comme ça, si ton inconscient est moins sexiste que le mien bravo)
Et puis tu peux continuer, tu refais abstraction du niveau précédent, tu repars de ce que ça a donné, tu continues à explorer.
Le plus important dans cette technique c'est que les degrés divers 'd'élargissement' de ta recherche forment comme un échafaudage pour arriver jusqu'à la comparaison/ métaphore 'idéale' - pas trop dingue ou déconnectée, mais juste le bon niveau de 'distance' pour rester surprenant. Et puis ensuite, au bout du compte, dans le texte final, comme par magie, les degrés intermédiaires... disparaissent.
Car évidemment l'idée c'est qu'on ne 'voie pas' cette 'arrière-cuisine'. Quand M2K fait des M2Keries aussi brillantes que la suivante, on ne voit pas l'arrière-cuisine:
"Peu nombreuses, mais bien présentes, le vernis corrodé sur les ongles noirs, la pâte mascara emmitouflant les cils, l'élastique de la culotte flagada sur les tailles floues."Et pourtant c'est merveilleux de simplicité ce petit escalier mental que l'on devine si on fait l'effort d'imaginer quelles ont été ces étapes intermédiaires:
- entre 'vernis' et 'corrodé': à partir de vernis à ongles on a eu un nuage de mots que j'imagine un peu comme: vernis, couverture, métallisé, protection, couche, miroitant; dans ce nuage on a pioché peut-être métallisé, protection, on a obtenu rouille, oxydation - corrosion. Vernis corrodé. Parfait.
- entre 'mascara' et 'emmitouflant': à partir des cils et du mascara on voit fleurir à nouveau couverture, peinture, revêtement, couche épaisse - à partir de là peut-être housse, duvet, envelopper, matelasser - emmitoufler. Pâte mascara emmitouflant les cils. Génial.
- entre 'taille' et 'floue': cette étape intermédiaire encore que l'on devine, taille grosse, large, graisseuse, flasque - deuxième degré: flottante, vague, indistincte - floue. Taille floue. Nickel.
Et une fois mises en texte, l'échafaudage retiré, le degré intermédiaire d'associations d'idées parfaitement escamoté, on a l'impression d'une image qui tient toute seule, sublime et radicale, une distance optimale entre les deux termes.Alors attention: je ne dis pas que ça marche à chaque fois; je ne dis pas que c'est la seule méthode; mais c'en est une, et qui marche parfois.
Je ne dis pas non plus, évidemment, que les auteur/es sont conscient/es que c'est ce qui se passe dans leurs jolies caboches. Je pense que cette méthode ne fait qu'expliciter des opérations mentales que les auteur/es font de manière non-intentionnelle, mais auxquelles leurs esprits se sont, pour une raison ou pour une autre, habitués.
Je pense donc que beaucoup de ce que l'on appelle le 'génie' des grands stylistes, leur 'manière de voir le monde' si étonnante ou intrigante, est dû à leur capacité non pas de voir quelque chose que personne d'autre ne voit, mais tout simplement d'étirer les associations d'idées plus élastiquement que la plupart des autres personnes.
Plus radicalement: je suis convaincue que c'est cultivable, et qu'une fois cet état d'esprit, cette manière de penser, activée et exercée, non seulement la plupart des gens peuvent le faire aussi, mais en plus ça devient une habitude: on arrive de plus en plus vite, de mieux en mieux, aux second, troisième et quatrième degrés.
Alors rien de magique. Enfin presque.
Atelier
L'atelier du jour est l'un de mes préférés en atelier d'écriture: c'est ce que j'appelle des mini croquis d'objets, un peu comme quand en cours de dessin on esquisse très vite les contours d'un objet ou d'un modèle.
C'est très rapide: 1 minute par objet, et je les révèle au fur et à mesure. Il fallait, soit en utilisant la méthode, soit par d'autres moyens libres, trouver des manières étonnantes, bizarres, drôles, charmantes, etc., de décrire les objets suivants:- - Une tétine de bébé
- - Un verre de vin
- - Une toux
- - Ce biscuit
- - Un poussin
- - Des lèvres
- - Une clef
- - Une cuillère de soupe
- - Une boule de billard
- - Un verre de Coca
Vous avez peut-être deviné à partir des différents objets que l'un des buts de cet exercice était de les encourager à réfléchir à tous les sens qui peuvent être activés par un objet, pas seulement la vue. On en avait parlé au début dans la discussion, et ensuite avec une diapo à ce sujet: la grande tendance de la plupart des auteur/es est de ne réfléchir qu'à l'aspect visuel, et de peu tenir compte des odeurs, textures, goût, bruits, température, etc. Avec ces objets-là, j'essaie de faire en sorte qu'elles ne puissent pas seulement dire à quoi ça ressemble.
Comme toujours, cet exercice c'est dix minutes de grande panique. La plupart des esquisses sont à jeter - et puis parfois on a des petites gemmes.
Un poussin comme le rebondissement d'une balle de tennis, ce biscuit comme traverser un marché de Noël, les myriades d'aiguilles du Coca.
Pour la première fois, j'ai lu (avec l'autorisation des intéressées) certains des exemples à voix haute. On a aussi parlé de ce qui se passe quand on a un grand carambolage d'images, et qu'on se retrouve avec la fameuse mixed metaphor, la métaphore mélangée - du type 'l'écho scintillant de l'odeur salée de la mer' (le what de what de what?)
... ou encore l'image qui veut vraiment beaucoup trop faire de zèle, façon 'un poussin comme un morceau de soleil tombé dans la cour' (jusque là tout va bien) '...qui galope comme une orange' (non là ralentis cerveau) '...en piaillant comme un tournesol' (police, plaquez-la à terre et mettez-la hors d'état de nuire!)
Après ces joyeuses discussions, il nous restait peu de temps, donc je n'ai pu faire qu'un seul des trois exercices d'écriture plus longs que j'avais prévus. Il s'agissait de lier tous les acquis des semaines précédentes en travaillant sur un nouveau texte où l'on prêterait une attention toute nouvellement aiguisée aux questions d'imagerie. Pour ce faire, je leur ai donné ce sublimissime tableau de mon amoureux Joaquin Sorolla:
Et il fallait tout simplement qu'elles écrivent la scène du point de vue du jeune homme. Comme ce tableau est d'une luminosité particulièrement exceptionnelle, j'espérais un peu d'aventure de ce côté-là, mais j'aurais aussi aimé qu'elles s'imaginent un peu la texture du sable, la sensation du vent ou de l'eau, la chaleur, le mouvement, l'odeur du cheval et du sel, etc.
C'est intéressant de voir comment certaines d'entre elles partent directement dans une histoire, pleine de souffle et d'âme déjà, avec des personnages impatients d'en venir à leur quête, leur mission - et d'autres qui restent dans des descriptions assez statiques.
Il a fallu ensuite nous quitter, jusqu'à la prochaine fois, où nous parlerons, justement d'intrigue (enfin!)
Rétrospectivement, c'était une session assez momolle comparée aux autres. Fatigue des deux côtés, manque de préparation, mais aussi pas assez d'exemples tirés de textes (je trouve que les exemples galvanisent vraiment l'imagination) et plus généralement c'était peut-être trop décontextualisé. C'est étrange parce que c'est une session qui fonctionne bien en atelier. Peut-être que l'année prochaine je leur donnerai quand même quelque chose à préparer et/ou à lire, et déplacerai la date de rendu de leur devoir formatif.
Hasta la semaine prochaine, loyal lectorat!