En effet, l’arrivée de l’officier ivoirien pose problème dans ce sud des Etats Unis plein de préjugés raciaux où la lutte pour les droits civiques bat son plein. Mais, dans le bled où l’officier Jean-Baptiste Kimon Kouassi, le noir n’existe pas, il est une menace et la simple présence d’un africain qui ne sait rien des problèmes ethniques américains va perturber la base militaire et les petites gens ne vont pas manquer de tenter d’éradiquer la présence de cet homme (pour ne pas dire nègre) dont le stage n’est pourtant que de quelques mois…
Le hic réside dans le fait que les gens du Klan vont être confrontés à la complexité de cet homme abouré qui ne manquent pas de ressources et de protections paranormales.
Philippe Pango se lance sur un sujet pour le moins inhabituel en littérature africaine. Les croyances magico-religieuses africaines et leur usage pour un individu soumis à des situations exceptionnelles. Des histoires qui ont peuplé mon adolescence et, avec tout le respect que je dois à celles et ceux qui y croient, qui me font encore sourire. Au collège, je me souviens que lors des matchs de football, des explications rocambolesques étaient données sur les déboires d’un gardien de foot qui sur une frappe violente d’un adversaire ne voyait pas un ballon de football mais un TGV foncé sur lui. La faute à un féticheur adverse très, très efficace. Pendant la guerre civile congolaise, il se racontait ça et là que certains miliciens « travaillés » n’étaient pas perméables aux balles de kalachnikov… Ne riez pas, parce qu’entre nous, nous savons que tout cela est très sérieux.
Jean-Baptiste Kimon Kouassi au-delà d’être un officier ivoirien a été initié aux différentes divinités et le noir que les membres du Klan ont décidé de se payer le scalp va se montrer particulièrement coriace…
Il y a donc plusieurs manières de lire ce livre. Comme une farce. Comme un conte. Comme un comics. Comme une dénonciation du racisme primaire qui gangrène la société américaine. Comme une critique de certaines croyances. C'est selon. Entendons nous, il y a des ficelles qui ne tiennent pas dans ce livre si on l'analyse avec toute la rigueur possible. D'un point de vue purement littéraire, le texte est léger. Mais il me semble qu’il est avant tout intéressant pour ce qu’il dit de certaines croyances africaines qu’il convoque. Vaudou. Orishas. Animisme. Et le final est pour le moins perturbant car dans le fond, on ne sait pas comment interpréter le discours de Philippe Pango. Car au final, quel usage responsable faire de la puissance acquise, même quand on est en légitime défense. Et quelle est la contrepartie à payer? Bref, ce livre contentera beaucoup. Il en gênera aussi beaucoup d’autres. Il n’y a pas de meilleur plaidoyer contre ces dieux, peut-être odieux pour l'écrivain ivoirien...
Philippe Pango, Ô dieux
Editions Les classiques ivoiriens, 2016Source photo L'oiseau indigo