J’ai trouvé ces deux poèmes dans le recueil Sans abuelo petite paru en 2017 chez Les carnets du dessert de Lune.
Ce recueil alterne vers libres et proses, avec même parfois des strophes en espagnol (traduites à la fin du recueil), sur les thèmes des origines, de la langue maternelle, des secrets familiaux, de la petite histoire qui rejoint la grande.
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La frontière est une ligne invisible. D’un côté la France de l’autre l’Espagne. Et ce n’est plus la même langue. Même les arbres parlent la leur. Un mélange de vent et d’océan dans les branches. Ils se coupent la parole, branches entremêlées. La frontière c’est une montagne qui nous monte sur la langue. Elle se fait lourde et puis légère. Coule dans les rivières se déverse dans l’Atlantique sans faire de vagues. Les odeurs surtout. Eucalyptus, champs de maïs, océan mêlés. Ici ou là-bas chaque sens est en éveil. Mais qu’est-ce qui change vraiment au fond ? Mes cousins parlent galicien. Je leur réponds en français. En espagnol. Une barrière de langue. Nous ne vivons pas sur la même bande de terre. Mais nous sommes de la même lignée.
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Partout on pourrait se sentir chez soi mais nous ne le sommes pas. Nous sommes d’ici et d’ailleurs, mais on nous fixe quelque part. Chacun doit venir de quelque part et qu’est-ce que cela veut dire ? D’où je viens, si je suis née dans un village où aucun de mes ancêtres n’est passé ? Est-ce que je viens du pays de ma mère ou est-ce que je viens de celui de mon père ? Est-ce que je viens de là où je vis ? Un pays, une ville, un quartier, une maison bien précise. Chacun demande d’où nous sommes. Chacun cherche des signes, un accent, une peau, des yeux. Ne devrions-nous pas être de partout, d’ici et de là-bas sans rien qui nous distingue ?