Quand j’ai écrit cette note en août 2006 qui parlait d’André et de Simone Weil, j’ai fortement pensé qu’il faudrait écrire une biographie croisée du frère et de la sœur.
C’est dire avec quel plaisir j’ai découvert qu’il existait un livre, publié en 2009, qui raconte cette histoire. Comme le dit la préface ce n’est pas une biographie, c’est le point de vue de Sylvie Weil qui est la fille d’André sur cette famille hors norme. Un des meilleurs points de vue qui soit pour nous raconter cette histoire. J’ai adoré ! (Notez la même photo)
Sylvie raconte ses rapports avec Simone qui s’est laissé mourir de faim à Londres, un an à peine avant sa naissance. Simone s’était converti au christianisme le plus exigeant dans une furieuse quête de charité (dans le sens d’amour de Dieu et du prochain) à la recherche des béatitudes. On peut lire ses pensées dans La Pesanteur et la Grâce, c'est très mystique. Si le pape ne l’a pas béatifié, elle a encore pas mal d'adeptes qui la considèrent tout simplement comme une sainte. Pour Sylvie sa ressemblance avec sa tante était une calamité et elle se décrit comme le tibia de la sainte, une sorte de relique de sa tante, un rôle dont personne ne voudrait.
Elle parle de son père avec beaucoup plus de tendresse même si elle n’épargne pas le « génie ». Sa mère disait à ses deux filles : "Vous êtes les filles d'un génie". Ce peut-être fatiguant parfois de vivre avec un homme conscient de son génie et qui se révèle assez souvent peu amène avec ses congénères ou qui refuse de s’encombrer la mémoire de la position du sucrier et autres détails de l’existence. Elle en parle avec affection quand elle était petite fille au Brésil, elle parle peu de sa désertion en 1939, elle le décrit très âgé recevant une médaille au Japon en compagnie du cinéaste Akira Kurosawa. J’aurais aimé qu’elle en dise un peu plus par exemple sur ses travaux en géométrie algébrique et en théorie des nombres mais ce qu’elle en dit est déjà beaucoup.
Il y a d’autres personnages dans ce roman comme ses grands-parents paternels qui ne se sont jamais remis de la mort de Simone et se sont beaucoup occupés de la petite Sylvie. Un jour, la grand-mère qu’elle adorait est devenue la « mère de la sainte », rôle qui va finir par l’accaparer à plein temps. Pour désigner Simone, sa nièce utilise le terme de trollesse, le mot qu’utilisait sa grand-mère pour parler de sa fille. Je vais faire une note sur ce terme amusant. Il y a aussi des révélations sur cette famille que je vous laisse découvrir.
Mais le personnage principal reste Sylvie. Pas facile d’être la fille et la nièce de deux génies même si son parcours peut faire envie : Elle gagne le concours général en lettres classiques, prix prestigieux qu’elle reçoit des mains du Général de Gaulle. Elle est agrégée de lettres classiques et enseigne le français dans des universités américaines. Faut dire qu’André avait intégré Normale Sup à 16 ans et passé son doctorat de math à 22. Et que Simone avait le philosophe Alain comme prof de philo à l'Ecole Normale. Alain l'appelait la martienne, ce qui donne une idée de la singularité du personnage.