On ne réalise pas toujours tout de suite les progrès sociétaires.
Quand j'allais à l'école secondaire, on supposait que X était gay ou que Y était lesbienne. On se lançait assez facilement l'insulte de "gay" si on réagissait de tel ou telle manière.
Nous étions sans réelles manières.
Avec le temps, presque tous ceux et celles que l'on avait cru homosexuel(le)s se sont révélés de la sorte devenus adultes. On a aussi eu quelques surprises. Personnellement, lors de retrouvailles de secondaire 5, quelques 10 ans après notre graduation, un gars, avec qui j'avais joué au baseball plus jeune, me révélait son homosexualité de manière plutôt grossière. Ça m'avait non seulement surpris, mais j'avais ensuite revisité toutes les années passées, ensemble, et avait tenté de réfléchir à toute ses fois où, entre boys, on pouvait jaser de filles et de fantasmes acrobatiques, et réalisais à quel point N.B. mentait afin de ne pas faire paraître ses propres intérêts.
Quelques 25 ans plus loin, ce qui n'est pas beaucoup dans une société, mon propre fils commençait l'école secondaire. Et dès secondaire 1, un couple féminin était connu de tous. Et respecté. Pendant 5 ans, dans son collège, les deux filles étaient des amoureuses. Et rien ne paraissait plus normal aux yeux de tous. J'étais fabuleusement fier de cette génération. Le suis toujours.
Parfois.
(Pas quand on essaie d'organiser quelque chose et qu'on doit attendre que tous les amis de nos ados se branchent sur Facebook ou InstaSnapchatgram avant de confirmer quelque chose.)
Ma génération (X) ne l'a pas eue facile. Nos parents n'ont pas vécu de conflits majeurs (comme une guerre) qui auraient pu en sacrifier près de la moitié. Nos parents nous ont donc eu assez jeunes. Et ont travaillé nombreux et longtemps. Travaillent toujours pour beaucoup. Au CEGEP et à l'Université, on nous disait que personne ne nous attendait nulle part. De n'absolument pas se presser pour vouloir atteindre le milieu du travail. On a beaucoup beaucoup beaucoup contingenté des programmes (comme la médecine) afin de ne pas bousculer les boomers déjà en place. (on l'a regretté ensuite)
Quand j'ai été une première fois diplômé universitaire, mes parents avaient respectivement 42 et 43 ans. Vous seriez prêts à céder votre place sur la marché du travail à cet âge? Bien sur que non. C'est la fleur de l'âge. Ma génération a donc, assez massivement, choisi de s'expatrier. Et de travailler là où il y avait du travail. Ailleurs dans le monde. Le Québec s'en est plaint.
Mais contrairement à la génération des baby-boomers, nous étions la première génération où les femmes et les hommes étaient parfaitement de forces égales dans presque tous les niveaux. À l'école, les filles étaient même en général les meilleures. Dans mes cours d'enrichi, la proportion était toujours de 6 ou 7 gars et de 23-24 filles.
Et sur le marché du travail et en société, une femme était/est un homme comme les autres.
Pleurant peut-être parfois un peu plus. Mais encore.
Les femmes de la génération des baby-boomers ont connu de très importantes variations entre 1946 et nos jours. Il y a à peine 30 ans, une femme comme présidente des États-Unis aurait été une parfaite lubie.
Montréal a une mairesse. Et ça me semble telllllllllllllllllement normal. Elle est justement de la génération X. Comme Trudeau (wuaaach...) comme Macron.
La génération X conduit enfin quelques trains.
J'ai compris que Valérie Plante serait mairesse pas parce qu'elle était femme. Je l'ai compris quand Gilles Duceppe est venu donner son appui à Denis Coderre. J'ai compris que là, Coderre perdait la course pour de bon. Gilles Duceppe est d'une toute autre génération. Et les derniers calculs de Gilles n'ont pas été bons du tout. Son parti s'était fait lessiver aux élections en faisant, eux aussi, une non-campagne, relativement complaisante, ce qui leur avait pété à la figure. On disait de Coderre l'exacte même chose avant même que Duceppe ne s'affiche avec. En posant avec lui deux jours avant le résultat, il confirmait le côté "ancienne école".
Plante était neuve et rafraîchissante.
Val a deux ans de moins que moi.
Dès l'an prochain, les baby-boomers ne représenteront plus le plus grand groupe d'électeurs éligibles à voter.
Pour les 15 à 20 prochaines années, ma génération aura une part importante de la balance du pouvoir.
Mais là où j'ai été encore plus fier, et qui m'a inspiré tout ça hier, c'est dans l'ancienne Côte Sainte-Madeleine, Bois-Franc et plus familièrement Saint-Rénac devenu aujourd'hui Très Saint Rédempteur.
Très Saint Rédempteur comprend 920 âmes. C'est pas beaucoup. Les gens se connaissent beaucoup quand on est moins que mille dans une ville. On peut même parler de village.
Tout comme le nom de la région, celle qui a été élue lors des dernières élections a subies de grandes transformations. Julie Lemieux est née un homme. Vers 6 ou 7 ans, le petit garçon se sait fille par en dedans. La transformation se fait quand il a 29 ans. Il devient elle. Sa voix restant toutefois la même, ce qui peut surprendre. Une Julie Lemieux à voix d'homme, ça saisit.
Le taux de participation au vote a été, jour d'élection à Très Saint Rédempteur, de 70%. Et Julie est devenue la première mairesse transgenre à être élue au Québec battant deux autres candidats, dont le maire sortant. Certains ont voté pour elle sans savoir que Julie était née homme.
Julie est aussi une X. Elle a 45 ans, Mon âge exact.
Aux États-Unis, la démocrate Danica Roem est devenue il y a 4 jours, la première transgenre élue à la chambre des représentants de la Virginie. Le finger le plus fameux à Donald Trump et à ses troupes.
Avec tout le ménage qui se fait en ce moment concernant les allégations d'inconduites sexuelles et les dénonciations d'agressions mondiales à ce sujet, y a pas à dire, on a beau tenté de me faire voir la vie en noir, moi je trouve que ma planète devient de plus en plus belle.