Evasion. Les sommes mis sur la place publique cette semaine sont colossales, bien sûr, mais bien en-deçà de la réalité. Sans forfanterie aucune, nous n’avons pas attendu le mois de novembre 2017 pour prendre conscience de la face cachée de cet innommable trafic de pognon qui se joue sur le dos du monde du travail. Les lecteurs de l’Humanitéconnaissent les travaux du député communiste Éric Bocquet et de son frère Alain, qui ont enquêté depuis plusieurs années sur l’évasion fiscale – souvent dans un désert médiatique, notons-le. Ces derniers parlent de 60 à 80 milliards d’euros pour la France, de 1 000 milliards pour les 28 pays de la zone euro, de 5 800 milliards dans le monde. Dans ce paysage sombre, il y a au moins une bonne nouvelle. Aucun spécialiste sérieux ne conteste plus ces évaluations. Ils n’ont pas tous les mêmes objectifs ou la même analyse sur le capitalisme, certes, mais ils disent la même chose : les chiffres sont éloquents. En effet, 80 milliards d'euros en moins pour le budget de la France chaque année, c’est plus que le budget de l’Education nationale, plus que le déficit de notre pays en 2016 et cent fois le montant des «fraudes» aux aides sociales, dont les principaux responsables restent d’ailleurs les chefs d’entreprise. Au passage, souvenons-nous de la métaphore d’Emmanuel Macron: «Les premiers de cordée», qui, soi-disant, tirent nos sociétés vers le haut ! Depuis leurs cimes, ces puissants-là ne tractent rien ni personne mais détournent le bien commun. «Le langage de la vérité est simple», disait Sénèque. Ce sont des salauds. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises…
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 10 novembre 2017.]