réalisé par Fabrice Eboué
avec Fabrice Eboué, Ramzy Bedia, Jonathan Cohen, Guillaume de Tonquédec, Audrey Lamy, Mathilde Seigner, Amelle Chahbi...
Comédie française. 1h30. 2017.sortie française : 11 octobre 2017
Sous la pression de sa patronne, un producteur de musique à la dérive décide de monter un groupe constitué d'un rabbin, un curé et un imam afin de leur faire chanter le vivre-ensemble. Mais les religieux qu'il recrute sont loin d'être des saints...
Après Case Départ et Le Crocodile du Botswanga (deux jolis petits succès dans l'Hexagone - que je n'ai pas encore vus au passage), CoExister est le troisième long-métrage de l'humoriste et acteur Fabrice Eboué. Plus précisément, il marque même sa première réalisation en solo, les deux premiers ayant été co-réalisés par Lionel Steketee (qui, visiblement, se perd dans le DC Universe française : Les Nouvelles Aventures de Cendrillon et trèèès bientôt Alad'2, youpi la joie). Eboué explique que l'idée de son nouveau long-métrage est née à partir du succès du groupe musical Les Prêtres (jusque-là ça se voit). Ce qui a surtout intrigué l'acteur-réalisateur est l'histoire de l'un des membres du groupe : parmi eux, le séminariste a quitté sa vie d'homme d'église à la fin de la tournée. Eboué a donc remplacé cette histoire incroyable de trois prêtres par les trois représentants des principales religions monothéistes. Dans le lot, nous avons un faux-imam (rôle spécialement écrit pour Ramzy dont on sent sans cesse une folle affection pour lui de la part du réalisateur), une sorte de clin d'oeil à Rabbi Jacob de Gérard Oury. On aurait pu craindre le pire surtout vu l'état de la comédie française actuellement, n'hésitant pas à utiliser des clichés sur les religions, on aurait même pu tomber dans le racisme. Certes, CoExister n'est pas un chef-d'oeuvre dans son genre (en même temps, il s'agit d'un film sans prétention) : c'est un film certainement plutôt oubliable. Mais il a le mérite d'être plutôt drôle et bienveillant. A l'image du personnage qu'il incarne (un producteur de musique neutre concernant une éventuelle confession religieuse), Eboué ne prend pas parti pour aucun personnage ni concrètement aucune religion. Il sait rire des travers de chaque représentant de ces religions avec leurs bons et leurs mauvais côtés, en rappelant qu'ils ont beau être des hommes de Dieu, ils sont avant tout des hommes. D'ailleurs, une certaine prise de distance est présente dans les descriptions des personnages " religieux " : comme on l'a dit, l'imam est un imposteur alcoolique (Ramzy ultra sympathique et charismatique), le rabbin (Jonathan Cohen, excellent dans ce rôle survolté) n'exerce plus depuis une circoncision ratée qui l'a traumatisé et l'a plongé dans une sorte de dépression et le prêtre (Guillaume de Tonquédec, un choix évident) va être confronté à la tentation. Il n'y a donc pas de quoi s'offusquer devant CoExister dont on peut relever deux principaux axes.
Tout d'abord, on relève une critique contre l'industrie musicale prête à tout pour amasser du pognon quitte à s'attaquer aux figures religieuses qu'on croyait justement inattaquables et incompatibles avec ce type d'activités. Certes, Eboué s'est amusé avec un certain décalage : justement, malgré le succès des Prêtres, on a du mal à imaginer une compatibilité entre la foi et le mode de fou de ces hommes et une sorte de vie de popstars. Mais finalement, pour en arriver à notre deuxième point, le discours est plus universel : au fond, même si on a beaucoup parlé de religion, il ne s'agit pas d'un film sur la religion qu'on pratique, celle qu'on représente ou tout simplement qui anime notre foi. C'est un film sur la cohésion de plusieurs individus pour une même cause. Si l'industrie musicale est déviante, la musique que le groupe chante, en délivrant des messages de paix et de tolérance, fait du bien au public. Parlons justement de musique. Le film n'a pas de prétention à être une oeuvre musicale, on regrettera peut-être de ne pas voir suffisamment de prestations musicales. Cela est un peu frustrant car la chanson principale (également intitulée " CoExister ") rentre vite dans le crâne (et cela est une bonne chose dans le sens où on doit croire au succès fou de ce groupe atypique) ou encore, la reprise de Savoir Aimer de Florent Pagny sous forme de clip est très drôle dans le sens où on reconnaît tous les tics habituels de ces vidéos en question. Je suis également un peu plus mitigée concernant les rôles féminins, pas bien mis en avant (et je ne dis pas ça par militantisme ou quoi que ce soit). Sabrina, l'assistante du producteur, incarnée par la pétillante et hilarante Audrey Lamy. Je comprends l'envie de confronter les figures religieuses à cette jeune femme très libérées sexuellement : là encore, il y a certainement matière pour rire de ce décalage. Cela dit, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver cet aspect du scénario un peu lourd par moments. Je ne suis pas nécessairement fan de Mathilde Seigner (même si je ne comprends pas non plus le bashing autour d'elle) mai je l'ai trouvée très convaincante dans le rôle de cette patronne tyrannique. C'est vraiment dommage de ne pas avoir exploiter du tout ce personnage qui avait selon moi largement sa place dans l'histoire. Je ne parle pas non plus d'Amelle Chabhi (compagne d'Eboué - j'aime les potins) dont le personnage ne sert strictement à rien. Enfin, pour émettre une dernière remarque, selon moi délire aurait pu certainement aller encore plus loin, le scénario étant peut-être un poil trop classique (il n'y a concrètement pas de grosses surprises narratives). Dans l'ensemble, CoExister est une jolie comédie portant des valeurs bienveillantes alors que le sujet restait casse-gueule.