Le blog a passé la Manche! Exceptionnelle exposition à la Royal Academy of Arts du peintre américain Jasper Johns (né en 1930). « Something resembling truth » retrace 60 ans de carrière. Jusqu’au 10 décembre.
Vierge et naïve, je me suis donc plongée dans cette expo sans aucun apriori! Plongée dans l’inconnu. (J’avais bien déjà aperçu quelques uns de ses « flags », mais sans y prêter attention.)
Et je me suis facilement prise au jeu de la découverte.
Les thèmes déclinés à l’infini, ça me plaît. Au départ, des sujets simplistes: drapeaux, cartes de géographie, cibles, chiffres, lettres. « Les choses que l’esprit connaît déjà », dit l’artiste. Sur des dizaines d’années, il a repris inlassablement ces sujets. Une obsession? Non, une belle exploration menée par un artiste dans l’âme.
Devant la toile… on ne voit plus un drapeau ou une carte des Etats Unis, on voit… un tableau. Il y a des déformations, des effacements, des coulures, des accidents, des empâtements… La peinture a gagné.
Jasper Johns, qu’on étiquette facilement peintre dada, intègre parfois des objets à ses toiles, comme Rauschenberg (un temps son amant et compagnon d’atelier): fourchette, balai, tasse. Objets du quotidien, en dérision. L’impression qu’il ne veut surtout pas sacraliser l’art.
Jasper Johns a tendance à avoir une texture sculptée dans ses toiles, avec une peinture à l’encaustique assez épaisse, des inserts d’objets, des rajouts de charnières ou de fils, des écartements qui ouvrent la toile en fente pour voir le mur à l’arrière… Quand même, on sent le peintre, là derrière, toujours. On sent le geste et la matière bien présents. Et, du coup, les œuvres sont non seulement passionnantes pour leur travail de recherche (philosophique?) mais aussi séduisantes par leur valeur esthétique. Même si cela ne représente sans doute pas l’objectif de cet artiste.
Les dernières œuvres (il a aujourd’hui 87 ans) sont plutôt du côté surréaliste. Avec des assemblages d’images. Des compositions autour de ses souvenirs. Il est hanté par les étranges mécanismes de la mémoire. Mais, de toute façon, il n’a jamais lâché ses œuvres antérieures, rebondissant sans cesse dessus, jouant de l’une à l’autre, comme en ricochets. Pour le visiteur ce peut être amusant de distinguer telle ou telle réminiscence d’une toile passée dans une toile plus récente. Donc, que ce soit les séries sur un thème identique ou les rappels incessants des travaux passés, l’œuvre de Jasper Johns s’enroule comme une vague sans fin.
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