Magazine Conso
Pendant longtemps, j'ai cru que je devais être parfaite: ça allait de ma scolarité à mes relations amoureuses en passant par mon apparence et mon caractère. C'est en analysant l'origine de mes troubles de l'anxiété que ma sophrologue m'a un jour déclaré qu'un de mes problèmes principaux était cette "perfection". Peut-être (Sûrement!) que je ne l'étais pas mais je ne m'autorisais aucunement à imaginer une seconde ne pas tout faire pour l'être et souvent cela passait par cette obsession que l'on peut avoir à vouloir projeter une image de nous, faire plaisir à nos proches...tout en niant allègrement qui on est vraiment. Je ne dis pas que je trichais mais je voulais répondre à des critères exigeants que je m'étais moi-même imposée. Le pire dans tout ça, c'est que parallèlement je suis la personne la plus ouverte d'esprit quand il s'agit des autres, toujours à accepter les défauts et encourager les erreurs de parcours.
Parlons-en d'ailleurs des erreurs de parcours...Des quoi? Désolée mais cette expression ne fait pas partie de mon vocabulaire et aujourd'hui, du haut de mes 34 ans, je donnerais n'importe quoi pour avoir vécu de ces errances qui vous forgent et vous forment...Vous me direz, il n'est jamais trop tard: la crise de la trentaine, me voilà!!
Plus sérieusement, ce qui est compliqué dans tout ça c'est que déjà nous pauvres humains, on est rarement très tendres avec nous-mêmes, alors autant dire que les injonctions qu'on se reçoit en pleine tronche depuis l'enfance, elles font mal, très mal! Je vais prendre des exemples plus féminins parce que je suis plus familière avec ce sujet mais évidemment ces messieurs sont tout autant concernés. Ces injonctions banales faites aux femmes, vous savez celles qui nous demandent d'être belles, épilées, intelligentes, sexy, maternelles, discrètes, drôles...D'être des épouses, épanouies dans notre boulot et des mères...Parce que ça, c'est clairement plus possible, c'est épuisant et violent. Suffit d'entendre toutes ces femmes trentenaires à qui l'on dit qu'il faut qu'elles songent à avoir un enfant sinon il sera trop tard. Donc non seulement, on s'immisce dans leur intimité, mais en plus on leur fout la pression et la trouille. A cela s'ajoute cette petite idée pernicieuse qu'en fait, si on n'est pas mère, on n'est pas totalement femme....Sur ce sujet, il faut absolument lire le magnifique témoignage de la blogueuse Garance Doré qui raconte comment après des mois de traitements, d'angoisse, de tensions avec son compagnon, elle a décidé d'arrêter d'essayer de tomber enceinte (en tout cas de manière médicale) parce que ça la plombait totalement. Je ne vais pas trop m'attarder longuement sur cet aspect là de son discours parce que ça sera l'objet d'un prochain post. Mais ce que j'ai surtout aimé c'est comme en prenant cette décision, elle s'est enfin retrouvée avec elle-même, qu'elle a enfin décidé de s'écouter plutôt que d'écouter. Accepter un parcours un peu différent parce que se conformer ne la rendrait pas forcément plus heureuse. Parce qu'il est là le souci majeur de ces injonctions sociétales, c'est qu'elles veulent qu'on se conforme, qu'on suive un schéma établi et même si ce schéma s'est étiré avec la libération de la femme, il reste encore soumis à la sainte trinité des commandements féminins: Mère-Femme/Amante-Working Girl. Et si jamais on soustrait ou privilégie l'un deux, gare à vous: vous êtes mère au foyer? Vous êtes réac! Vous êtes une workaholic? Vous n'avez pas de vie! Vous êtes une grande amoureuse? Vous êtes une sa....
$Et là où ça se corse, c'est que maintenant les injonctions se veulent pseudo-positives: vous avez vu le nombre de bouquins ou de titres de magazines qui nous disent d'être heureux, de mangez mieux, d'être calme, d'être épanoui...Non seulement, contrairement à l'effet escompté, ces sommations sont anxiogènes parce qu'elles pointent le doigt sur nos angoisses et nous ordonnent d'y mettre fin à tout prix comme si en fait, on adorait être tristes et déprimés, et que vraiment, ce serait bien qu'on fasse un effort parce que ça commence à bien faire là. Mais à contrario, justement, elles nous empêchent aussi de vivre pleinement nos émotions! Avoir un coup de blues, un coup de mou, un coup de bambou, c'est pas non plus un drame. Parfois, on a besoin de souffrir pleinement d'un chagrin d'amour, d'une dispute, d'un deuil, d'un licenciement, d'avoir raté un épisode de Riverdale...pour mieux s'en relever.
Nier qu'on va mal, c'est nier qu'on est vivant!
Alors oui, c'est bon de faire le tri dans tout ça et de prélever ce qui peut nous aider à se sentir mieux dans ses baskets mais surtout soyez vous-mêmes, ne cherchez pas à faire plaisir aux autres et ne vous conformez pas si ce n'est pas ce que vous souhaitez. Etre parfait c'est chiant à mourir. Dans la céramique traditionnelle japonaise, on chérit, que dis-je, on célèbre les défauts. Les fêlures sont réparées à l'or et à l'argent et sont ainsi mises en valeur.
Alors, pensez-y la prochaine fois que vous êtes triste ou en colère et qu'on vous le reproche: vos imperfections c'est de l'or en barre!