Au bout des six épisodes de Alias Grace on est comme lessivés. Disons que cette oeuvre est prenante. Je ne connaissais pas le livre mais l’oeuvre de Margaret Atwood publiée en 1996 démontre la capacité de l’écrivaine à raconter des histoires puissantes sur des femmes. Si La Servante Ecarlate était sûrement l’une des meilleures surprises de la saison précédente, Alias Grace pourrait bien être celle de cette année. Nous avons alors l’histoire de cette femme, enfermée pendant 15 ans dans une prison pour femmes pour le double meurtre de Thomas son employeur et Nancy la maîtresse de Thomas. Alors qu’elle a été condamnée à vie pour ces meurtres, Grace a la chance de pouvoir sortir de son trou chaque jour afin de faire le ménage dans la maison du gouverneur de la prison. Mais l’arrivée d’un psychiatre va aussi tomber d’éplucher la vie de cette femme afin de savoir si elle a réellement commis ces crimes ou non. Chaque épisode nous raconte une partie de la vie de notre héroïne selon ce dont elle se souvient. Si l’on a envie de croire que le mystère a une résolution facile, ce n’est pas du tout le cas car elle peut être très avoir tué les deux personnages ou bien tout l’inverse. Le scénario est constamment là pour supporter la série et ses propos. Je trouve qu’il y a quelque chose de très intelligent dans les dialogues qui nous permet de passer un moment d’emprise.
On est happés par ce que Alias Grace nous raconte et tout cela se fait de façon intelligente et efficace. La série va bien plus loin qu’une histoire de broderie et de thé bien chaud. Il y a une histoire terrible qui se conte dans Alias Grace et c’est celle de ces femmes opprimées sous la menace d’hommes qui ont de l’emprise et du pouvoir sur elles. Mais Alias Grace c’est comme The Handmaid’s Tale, l’histoire d’une femme qui prend position et qui tente à sa façon de faire changer les choses. Si le mystère de la saison est assez complexe, la série trouve toujours une façon de nous surprendre avec la façon dont l’histoire nous est contée. La série repose sur plusieurs forces à commencer par le duo formé de Sarah Gadon et Edward Holcroft. Les scènes entre la servante et le psy sont toujours passionnantes car il y a un jeu de regards très important. Le discours de Grace est intéressant car il n’est pas toujours fluide, il est un brin haché tout cela pour notre plus grand plaisir. Car elle sait très bien ce dont elle parle et surtout de la condition dans laquelle elle était. Mais il y a toujours un brin de mystère dans son regard qui laisse planer le doute sur ce qu’elle nous raconte. A côté de ça, le psy est un personnage plus réservé, plus doux, qui est tout simplement fasciné par cette femme.
Nous avons aussi les personnages secondaires féminins qui sont eux aussi complexes et étranges. Comme par exemple Mary Whitney, la première amie de Grace qui va décéder dans le second épisode. La relation entre Mary et Grace est rapidement attachante et mignonne, ce qui permet de passer à chaque fois un bon moment. Puis il y a Nancy Montgomery, la maîtresse qui est assassinée par Grace. Incarnée par Anna Paquin, ce personnage est lui aussi très étonnant mélangeant la violence masculine que Grace subit depuis son arrivée sur le sol canadien à quelque chose de très féminin là aussi. Car derrière son autorité se cache aussi une femme sensible. Et elle n’est pas si libre que ça après tout puisque c’est une domestique ! Alias Grace est alors une mini-série qui parle du passé afin de mieux parler du présent. Tout ce que le présent nous montre c’est le passé d’une femme au travers ses récits face à son psy. Le présent est important mais le passé l’est encore plus car c’est lui qui construit l’esprit de Grace et qui nous permet de cerner quel genre de personnage cela peut bien être et tout ce qu’elle a vécu au fil des années. Si l’on peut imaginer que ce récit reste dans son XVIIIe siècle, ce n’est pas totalement le cas car le but de Alias Grace est aussi de permettre de transposer certaines intrigues, certaines morales, au présent du XXIe siècle.
C’est la preuve que certaines choses n’ont toujours pas évoluées depuis deux siècles. C’est un joli miroir de la société actuelle et je n’en attendais pas moins. Du coup, en racontant une histoire qui relève du quotidien de millions de femmes dans le monde, c’est une mini-série intense et prenante. Sarah Polley, productrice et scénariste canadienne, a tenté de récupérer les droits du roman de Margaret Atwood dès 1996, l’année de sa sortie alors qu’elle était à peine majeure. C’est étonnant mais la petite anecdote est vraiment intéressante, surtout quand on sait qu’il lui a fallu 20 ans pour produire cette adaptation.
Note : 7.5/10. En bref, une belle aventure aussi tragique que passionnante.