Critique de Comme à la maison, de Bénédicte Fossey et Éric Romand, vu le 2 novembre au Théâtre de Paris
Avec Annie Gregorio, Lisa Martino, Françoise Pinkwasser, Aude Thirion, Pierre-Olivier Mornas et Jeoffrey Bourdenet, dans une mise en scène de Pierre Cassignard
Décidément, cette saison, j’enchaîne les comédies cyniques sur les familles à éviter absolument ! Après La Perruche et Ramsès II, c’est dans Comme à la maison qu’on se retrouve au sein d’une famille un peu barjot pleine de secrets bien enfouis jusqu’ici mais qui vont un peu exploser au cours de ce déjeuner post-réveillon où toute la famille est réunie. Je m’abstiendrais d’en dévoiler davantage au risque de trop vous divulgacher le spectacle mais je préviens d’avance : âmes sensibles, s’abstenir !
Difficile de se faire un avis arrêté devant ce spectacle : on est en équilibre sur un fil et on penche sans arrêt de chaque côté : devant des blagues vraiment trash, on a du mal à rire franchement, et puis finalement une réplique passe un peu de pommade de manière à nous faire sortir ce rire qu’on retenait peut-être par la force. C’est un sentiment étrange que d’hésiter ainsi entre rire et s’indigner. Peut-être est-ce dû aussi à l’utilisation de ficelles parfois un peu lourdes du théâtre de boulevard qui fait qu’on n’arrive pas vraiment à lâcher prise devant ces situations extravagantes et franchement hardcore ?
Pourtant, si les situations sont parfois grotesques, on sent que niveau dialogue les auteurs se sont fait plaisir. Les échanges sont cyniques, insolents, parfois bien trouvés, souvent acerbes. On le comprend dès que le rideau se lève : les premières répliques d’Annie Grégorio imposent un rythme soutenu et des vannes piquantes qui fusent à chaque fin de dialogue. Les bases d’un bon boulevard sont là, et pourtant le spectacle semble se chercher encore : avec ces situations loufoques style humour anglais, ces répliques indigestes qui oscillent entre un rire francs et ces relations poisons qui ont un côté touchant devant l’humanité indéniable de chaque personnage, difficile de se positionner.
En vérité, je ne suis pas sûre que le spectacle tiendrait sans le bel ensemble de comédiens que Pierre Cassignard a réuni sur la scène de la Salle Réjane. Annie Grégorio mène la danse avec une verve impressionnante, sorte de monstre de pierre au coeur de velours. Sous sa carapace de mère indigne où elle enchaîne les (bons) mots les plus immoraux, on sent malgré tout une grande humanité, une peur de se dévoiler, une impossibilité à donner l’amour dont elle semble avoir été privée.
Tous oscillent ainsi entre l’être et le paraître ; Lisa Martino touche par son regard de l’enfant qui attend la récompense et la reconnaissance, Aude Thirion est une bru méprisée qui a su obtenir rapidement toute ma sympathie et un soutien sans faille tout le long du spectacle. Jeoffrey Bourdenet affiche le sourire en coin de celui qui a réussi mais parvient à montrer l’indicible. Heureusement, Françoise Pinkwasser vient raviver le tout avec un bel entrain et son regard apaisant est un échappatoire non négligeable. Enfin, Pierre-Olivier Mornas est sans nul doute le personnage qui nous met dans la situation la plus inconfortable. Il est gênant et sa situation dérange autant qu’elle indigne. Il est l’oiseau tombé du nid et sa détresse irradie le plateau à la manière d’une douleur diffuse.
Un spectacle oscillant entre caricature et humanité.