Les éditions Le Cadran Ligné publient Traité de la poussière de François Jacqmin.
Rompu
à la discipline du rien,
pigment de la limpidité,
l’être
annonce le crépuscule
des adjectifs
/
Nulle part
est la plus ancienne clairière.
C’est le lieu
où vit le grand air.
Il n’y a distance ni horizon.
Tout y fut sauvé avant l’analyse du monde.
/
Le soir, les oiseaux repassent
comme des remords.
Ils obscurcissent le ciel
de leur futaie noire.
A première vue, il pourrait s’agir
d’un problème de connaissance.
/
A l’extrémité de la frondaison,
on ne distingue plus
la fiction de la feuille.
On s’émerveille de l’imbroglio vert
qui fait voir
que l’esprit remonte à l’invention de la matière.
/
Le rien
que l’être porte en lui est l’inextricable
argument
que nul ne déjoue ;
c’est une démonstration
frappée de paralysie grammaticale.
/
S’exprimer relève des formes archaïques
de notre être.
Nous errons mélancoliquement
dans le dire.
Nous sommes terriblement âgés lorsque
nous prenons la parole.
François Jacqmin, Traité de la poussière, Le Cadran ligné, 2017, 220 p. 17€, pp. 63, 66-67, 70-71 et 123
Note de l’éditeur : Le Traité de la poussière est l’un des derniers recueils, resté inachevé, du Belge François Jacqmin (1929-1992). Considérés par l’auteur comme les « épaves » d’un naufrage de la pensée, ces quelque deux cents sizains nous émeuvent par la radicalité de leur propos et la justesse de leur ton.
(Édition établie par Sabrina Parent et Gérald Purnelle.)
François Jacqmin dans Poezibao :
bio-bibliographie, ext. 1, (note de lecture) François Jacqmin, Alexandre Hollan, "Le Plumier de vent", par Christian Hubin, (note de lecture) François Jacqmin, "Le Manuel des agonisants" par Christian Hubin