Je dois la découverte du "pervers narcissique" a un lecteur de ce blog. Le pervers narcissique est la défaite de tout ce que je croyais. Car tout mon travail est basé sur la notion de "donneur d'aide" :
Poussée à ses extrêmes, cette idée de donneur d'aide omnipotent me fait retrouver l'a priori commun à notre société : le criminel est une victime. Il faut l'aider. Or, le pervers narcissique est quelqu'un que l'on ne peut pas aider. Il faut le fuir. Il est probable qu'il n'y a que lui qui puisse "s'aider". Le pervers narcissique est peut-être la seule personne qui doive changer seule : l'égoïsme n'est pas bon pour la santé. Il dessèche. Curieusement, l'acte gratuit, lorsqu'il n'est pas totalement idiot, fait beaucoup de bien.
Mais aussi, le pervers narcissique se nourrit d'amour. Il entend "aimer" au sens "aimer le poulet". Non seulement il fait du donneur d'aide une victime, mais l'aide l'entretient dans sa perversion. C'est un mauvais service à lui rendre !
Mon a priori révèle aussi un autre préjugé que je partage avec la société : tout être n'a pas de nature définie, on peut le changer. Eh bien, il semble que le pervers narcissique, au moins, a une nature qui résiste fermement au changement. (Mais peut-être pas définitivement.)
(La notion d'aide et de changement ne m'est pas propre. Parmi les théories récentes sur le sujet, il y a Boris Cyrulnik et sa résilience, mais aussi Kurt Lewin et toute l'école qui l'a suivi, notamment Edgar Schein. Par ailleurs, comme aurait dit Durkheim, le pervers narcissique est probablement un "fait social". Il y en a toujours quelques-uns, mais s'il y en a autant aujourd'hui, c'est parce que les principes de notre société s'y prêtent. Finalement, il y a peut-être une forme d'auto régulation du pervers narcissique. Il a besoin d'une société solidaire à parasiter. Dès que l'égoïsme la gagne, son existence se complique.)