Jus d’orange
Elle a au moins 95 ans, le corps tassé, le dos courbé mais fait ses courses seule, en ce samedi matin. La deuxième caissière crie : « Au suivant ! » et, plus promptes, 4 ou 5 personnes se précipitent et me passent devant. Je reste, patiente, derrière la vieille dame. Arrive alors un grand type à la voix grave qui fait la manche dans toute la ville et traîne souvent aux alentours du marché. Il entreprend également de nous passer le tour et dit à la caissière : « Juste une bière ! »
Outrée elle lui répond : « Ce n’est pas à moi qu’il faut demander mais à la dame ! » Un peu contrarié il se penche vers la vieille dame : « Une bière madame ! » Sans même le regarder elle répond d’un sec mais tonitruant : « Non ! » qui attire tous les regards. Puis ajoute : « Je n’en ai jamais goûté ! » Hilarité générale provoquée par son incompréhension.
La caissière lui explique la situation, veut-elle le laisser passer ? « Oui ! » tout aussi sec, tout aussi tonitruant. « 1,40 euro ! » L’homme tend 2 euros et dit : « Gardez les 60 centimes, c’est pour les chewing-gums que je vous ai volés la semaine dernière.»
Désarçonnée la caissière n’arrive qu’à répliquer : « Mais il ne faut pas le dire monsieur ! »
Voici comment on arrive à écrire une chronique en achetant deux litres de jus d’orange.
Colette Milhé