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548ème semaine politique: les "Fake News" d'Emmanuel Macron

Publié le 04 novembre 2017 par Juan

Où l'on s'amuse du sketch de la taxe sur les dividendes et des poèmes de Jupiter. Et où l'on se rappelle des ravages annoncés des lois Macron sur nos finances publiques et l'égalité homme/femme au travail.


L'antisémitisme, comme le racisme, n'est jamais ordinaire, même quand il est fréquent. En cette semaine d'Halloween, quelques esprits tordus profanent la tombe du jeune Ilan Halimi, mort torturé en 2006 par un gang de barbares parce qu'il était juif. Autre affaire, même haine: un intellectuel salafiste est emporté à son tour par la vague de révélations d'agressions et de harcèlements sexuels. Deux femmes ont le courage de témoigner. Le menaces de morts pleuvent. Tariq Ramadan est accusé de viol, rien que ça. Certains de ses soutiens dénoncent un complot sioniste. Charlie Hebdo s'en amuse, les menaces de mort  redoublent.
Cette sinistre actualité peine à faire dérailler le cours de la Macronista.
Jupiter, sacré poète
Sans crier gare, Emmanuel Macron prévient en Conseil des ministres qu'il sera plus strict sur les attributions de Légion d'honneur. Dans cette présidence des riches, on a les révolutions que l'on peut. Une semaine après un dîner au frais du contribuable, sans caméra, à l'Elysée, avec une partie des principaux donateurs de la campagne Macron - pardon, du gratin de la finance internationale, la démarche semble presque cocasse. La diversion est belle.
L'autre mise mise en scène de la semaine est la sortie de l'état d'urgence. Rappelez-vous le candidat Macron, celui-même qui s'était courageusement opposé au projet de déchéance de nationalité des terroristes binationaux proposé (puis abandonné) par Hollande et Valls au lendemain des attentats de Paris: "Il faut sortir de l'état d'urgence parce que l'état d'urgence est attentatoire aux libertés publiques" écrivait-il. Moins d'un an plus tard, il est à l'Elysée. Et patatras ! Envolées les promesses du candidat !
Le 31 octobre, Jupiter a de l'humour. Il profite d'Halloween pour visiter la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg: "La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme n'a aucunement pour objet de pérenniser l'état d'urgence, comme certains l'ont dit," explique-t-il, sans rire, "mais elle prévoit des mesures nécessaires à la protection de nos compatriotes, strictement définies, encadrées et soumises à un contrôle renforcé des juges qui nous permet d'être tout à la fois efficace dans la lutte contre le terrorisme et de pouvoir mettre fin à la procédure de dérogation, que nous avions ouverte il y a maintenant 2 ans."
Puis il va chanter Carmen avec des choristes amateurs, sous les yeux des journalistes à l'Opéra de Strasbourg. Puis il  a ce tweet indécent: "La France sortira de l’état d’urgence demain, 1er novembre."
C'était faux.
La France entre en état d’urgence permanent ce 1er novembre.
Car Jupiter a bel et bien fait voter une énième loi anti-terroriste qui légalise dans notre droit commun la quasi-totalité des mesures d'état d'urgence et en particulier le primat du soupçon sur celui de la preuve. Le 30 octobre, Jupiter se fait filmer à l'Elysée en train de signer cette loi liberticide -  assignation à résidence décidée par le ministère et sans contrôle a priori par un juge; "visites domiciliaires" sur décision préfectorale (mais avec contrôle d'un juge); durée des contrôles d'identité sans motif élargis 12 heures, "mesures individuelles de surveillance" sur simple présomption. Et si/quand un mouvement politique réellement autoritaire sera au pouvoir, qui s'inquiètera de cet arsenal répressif ? Il sera trop tard.
Le 1er novembre, Jupiter est poète. La com' élyséenne fait feu de tous bois. L'ambassade de France publie un poème écrit par Jupiter lui-même en réponse à un poème d'une adolescente britannique de 13 ans . On nous explique aussi que Jupiter pense aussi à une grande commémoration de du cinquantième anniversaire de Mai 1968 l'an prochain. Il n'y a que le benêt furibard Laurent Wauquiez pour prendre cette distraction au sérieux.
A la différence de Hollande, Mitterrand ou Pompidou, mais comme Giscard, Chirac ou Sarkozy, Emmanuel Macron ira au Vatican recevoir du pape lui-même son titre de Chanoine de Latran. Quel joli symbole de génuflexion anti-laïque...
Mais l'on s'inquiète à nouveau: "peut-on encore parler au président Macron ?" s'interroge Le Parisien pris d'un excès de contestation gauchiste automnale. Barrages filtrants, susceptibilité du jeune monarque, phénomène de cour, tout est dit, et rien n'est surprenant à la fois. Jupiter est dieu, et certains proches, inconséquents, s'amusent à propager l'image.
"Ce qui le fait sourire, c'est qu'il y ait des gens qui croient qu'on puisse encore lui apprendre des choses. Dieu est Dieu !" Un conseiller anonyme d'Emmanuel Macron.

Le sketch de la Taxe sur les dividendes
Moins drôle encore, la majorité macroniste nous déroule un sketch bien préparé sur la taxe sur les dividende. Premier couac, le ministre de l’Économie évoque un "scandale d'Etat". En cause, l'invalidation par le Conseil Constitutionnel de la super-taxe de 3% sur les dividendes instaurée en 2012 par le président Hollande. Bruno Le Maire annonce sans crier gare qu'il a demandé une enquête pour identifier les responsables de cet "amateurisme", dont les premiers résultats sont attendus dès le 10 novembre. A l'Elysée, on frémit et on s'énerve. En 2012, le conseiller ès affaires économiques de François Hollande était un certain ... Emmanuel Macron. Imaginez que les enquêteurs de l'Inspection Générales des Finances pointent du doigt vers l'actuel monarque... Cocasse ...
Second couac, le gouvernement a décidé d'instaurer une taxe spéciale sur les 320 plus grandes entreprises. Patatras ! Le Medef crie au scandale ! Quelques médias parmi les plus macron-compatibles s'étonnent de ce mouvement anti-patronal de la part de la présidence des riches: "Entre la réforme du droit du travail, celle de l'ISF, l'instauration du prélèvement forfaitaire unique sur le capital et la réduction annoncée de l'impôt sur les sociétés sur cinq ans, le gouvernement avait coché en quelques semaines toutes les cases lui permettant de recevoir le satisfecit du patronat pour le quinquennat à venir" écrit un éditorialiste de LCI. "Mais il aura suffi d'un grain de sable, à 10 milliards d'euros tout de même, pour enrayer la mécanique parfaitement huilée de son discours pro-entreprises". Vraiment ?
Pas vraiment. Tout ceci ressemble à une jolie mise en scène, une belle fumisterie. Car il est rarement rappelé dans les médias que cette taxation supplémentaire sera insuffisante pour combler le trou: 4,6 milliards seront financés par les ménages, la taxe sur les entreprises ne devant rapporter que 5,4 milliards.
Les ravages inavoués du boulet fiscal
Autre fumisterie, le boulet fiscal de cette première loi de finances. Un économiste américain s'inquiète du coût réel pour les finances publiques de la nouvelle "flat tax" qui limitent à 30% le total d'imposition et de cotisations sociales à prélever sur les revenus du capital. D'après le gouvernement, cette réduction fiscale coutera 1,3 milliard d'euros aux finances publiques en 2018 et 1,9 milliard en 2019.  D'après Gabriel Zucman, c'est au contraire "une bombe à retardement." "Jusqu’à présent, la fiscalité française tentait, tant bien que mal, de maintenir une certaine neutralité entre l’imposition des dividendes et celle des salaires" expliquait-il au Monde. Et il ajoute: "si les revenus du capital sont moins taxés, alors tous ceux qui sont à la fois salariés et actionnaires de leur entreprise — patrons, entrepreneurs, cadres dirigeants et indépendants — ont intérêt à percevoir le fruit de leur labeur sous forme de dividendes plutôt que de revenus salariaux, siphonnant ainsi les recettes de la Sécurité Sociale et de l’Etat."
Pire encore, en plafonnant ainsi la fiscalisation des revenus du capital, le gouvernement Macron va aussi inciter les entreprises privées à préférer verser de tels revenus à leurs cadres dirigeants plutôt que du salaire.   
Tout ceci n'est que ... bon sens. 
Car cette réduction macroniste n'est assortie d'aucune contrepartie, comme toujours dirons-nous, quand il s'agit d'une mesure favorisant les classes les plus aisées de ce pays. Très sérieusement, Bruno Le Maire avait expliqué qu'il comptait sur "le bon sens des Français" pour que cette épargne soit redirigée vers les entreprises. Il aurait du être plus précis: il espère beaucoup du "bon sens des plus riches des Français", puisque la flat tax n'a d'intérêt fiscal que pour celles et ceux qui (1) touchaient des revenus du capital (épargne, dividendes, plus-values) et (2) payaient plus de 30% d'impôts et de cotisations sociales sur ces mêmes revenus du capital.



Quand Macron balance l'égalité Homme/Femme par dessus bord.
Jean-Luc Mélenchon confie que Macron "a le point", que le jeune monarque a gagné sa première bataille des ordonnances de la loi Travail. La mobilisation sociale n'a pas été suffisante. D'aucuns ont compris qu'il fallait faire une pause. Que nenni ! Il faut parfois du temps pour comprendre les dégâts d'une situation.
Ainsi sur les inégalités homme/femme. La parole se libère, enfin, sur les agressions et le harcèlement sexuel, la secrétaire d'Etat désignée sur le sujet par le jeune monarque s'en préoccupe du coup légitimement.
Mais pour le reste....  la sinistre loi travail entre en vigueur. Et l'on mesure, peu à peu, les ravages de la loi Travail sur l'égalité homme/femme en entreprise. Sur Twitter, ce 3 novembre, la secrétaire générale adjointe de la CGT Cadres Sophie Binet déroule les dégâts. Elle livre un bilan factuel des premières mesures de ce quinquennat:
  • La négociation en entreprise sur l'égalité salariale homme/femme était obligatoire chaque année, grâce à Jospin; elle n'aura plus lieu que tous les 4 ans, merci Macron
  • Le contenu même de cette négociation était fixé par la loi grâce à Hollande, il ne l'est plus, merci Macron. 
  • Les CHSCT, en charge des conditions de travail et donc de la prévention des violences sexistes, ont été supprimés, merci Macron. 
  • Les commissions Egalité professionnelle des CE obligatoires dans les entreprises de plus de 300 salariés sont optionnelles.
  • Y-a-t-il une seule autre mesure favorable à l'égalité Homme/Femme en entreprise dans ces premières mesures du quinquennat Macron ? Non, merci patron.

Ce quinquennat Macron se déroule donc sans accroc ni surprise à en croire l'Elysée. La communication est belle, soignée. Il faudrait ainsi relater la victoire supposée d'une classe sur les autres, assumer le story-telling de ces puissants bâti sur des distractions pour la foule et quelques mauvaises mises en scènes.
Ami macroniste, rendors-toi.


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