Mieux se parler pour mieux vivre à deux

Publié le 03 novembre 2017 par Parle-Moi D'Amour

Mieux se parler pour mieux vivre à deux. Il semblerait que la manière dont on se parle en couple soit un gage de réussite. Ce serait même un des grands secrets des couples heureux ! Le langage, une force, un atout pour la santé, la durée et la vitalité de notre couple. Découvrons-le tout de suite avec la psychanalyste, Liliane Holstein.

Elise Simplon : il semblerait que certains couples fassent de moins en moins d'efforts pour se parler avec respect. Y aurait-il, de nos jours, une banalisation des insultes et d'une certaine forme de brutalité dans la manière de s'adresser la parole ?

Liliane Holstein : Effectivement, nous avons beaucoup régressé dans l'art et la manière de nous adresser la parole et d'autant plus dans la communication dans le couple. En fait tout se passe comme si il n'était pas ou plus vraiment utile de faire preuve d'égards pour la personne avec qui l'on partage sa vie.

Pourtant au début de la relation chacun faisait des efforts et essayait de montrer le meilleur de lui-même. Aussi, il est vraiment dommage de voir s'installer progressivement une manière plus brutale et plus cassante dans l'expression, comme si le conjoint ou la conjointe devait pouvoir tout supporter et accepter d'être un exutoire.

ES : A partir de quand peut-on considérer que l'on se parle mal dans un couple ?

LH : Il existe plusieurs niveaux de sensibilité. On peut dire que cela commence par un ton agressif, coupant, cassant, souvent blessant témoignant parfois de l'envie de faire du mal. Puis cela continue en se laissant aller avec des paroles triviales, parfois des vulgarités, ou des insultes lors des colères.

On peut dire que cette transgression verbale est le signe d'un relâchement affectif et amoureux, très préjudiciable pour le couple parce que c'est une manière de nier la sensibilité de l'autre et de faire fi de ce qui pourrait le blesser,comme s'il n'était plus sensible, plus délicat,alors qu'au départ on avait pris tant soin de sa délicatesse.

ES : Quel peut-être l'impact de cette brutalité langagière sur la qualité de nos relations au sein du couple ?

LH : Parler sans égard et sur un ton agressif, (comme on peut souvent le voir notamment dans les séries où les couples se parlent avec agressivité, voire avec des injures et des paroles blessantes), c'est un peu comme laisser entrer dans son nid des hordes de barbares qui pillent tout sur leur passage.

Sur le plan psychique, il s'agit de véritables écorchures émotionnelles qui vont vraiment entraver, voire stopper net, la fluidité des sentiments.

On le constate dans les thérapies de couples, les gens sont tristes, comme grisaillés. Ils ont l'impression que leur vie devient médiocre alors qu'ils rêvaient d'une histoire magnifique. Cela peut entraîner des dépressions chroniques, larvées qui font place à cet amour qui avait pourtant si bien commencé.

ES : Est-ce que le ton utilisé joue un rôle important dans la communication et les comportements entre les deux partenaires ?

LH : Lorsque l'un ou l'autre s'adresse la parole comme des barbares, le lien d'amour devient malade. Il est alors aisé finalement de fonctionner dans des rapports sadomasochistes.

On parle souvent de rapports sadomasochistes dans la violence des gestes, mais on peut en parler également, lorsque l'on évoque la brutalité du ton employé. On s'habitue à ce genre de fonctionnement et ça laisse place à une grande blessure narcissique... A des blessures d'amour tout simplement.

La douceur du ton et les mots utilisés dans la communication comptent fondamentalement.

J'insiste toujours beaucoup avec mes patients sur le fait de prendre soin du ton de la voix, de la douceur et de la tendresse dans les propos.

Cela nous permet d'évoluer vers une plus grande sensibilité, une plus grande subtilité relationnelle. Je vous assure que lorsqu'on fait attention à ce genre de choses, on instaure un optimisme et une réelle joie de vivre dans l'ambiance générale du couple.

On décide de vivre en couple pour s'apporter de l'harmonie et du bonheur, ce n'est pas pour s'entraîner vers le fond, vers la tristesse et la désillusion.

Il est si important de vraiment se regarder lorsque l'on se parle dans un couple et en même temps, de se toucher, de se prendre la main...

ES : Comment éviter que le ton monte en cas de par exemple ?

LH : C'est ce qui se produit très souvent dans le cadre d'une dispute, lorsque les gens sous l'impact de la fatigue, de la frustration, ne contrôlent plus cet aspect pulsionnel de leur colère.

Je dirais que c'est sûrement faire preuve d'une grande humanité, d'une noblesse d'humanité que d'observer, dans ces moments difficiles, quelques règles d'or. Par exemple, ne jamais chercher à faire du mal à l'autre dans ses propos,ne pas chercher à le blesser.

La proximité est telle dans un couple, on se connaît tellement, on connaît tellement la fragilité de l'autre, qu'une seule parole peut réussir à le détruire. C'est trop facile.

Dans ces moments-là, c'est faire preuve d'une grande évolution mentale et humaine que de manifester de la délicatesse et de la patience. Laisser un peu son égo de côté, écouter vraiment ce que dit l'autre sans lui couper la parole.

Peut-être même prendre le temps de se calmer avant de répondre, si on sent que c'est un peu trop houleux, un peu trop énervé et excité, en affirmant : " J'ai bien entendu ce que tu me dis, mais là je ne me sens pas bien encore pour pouvoir te répondre. On va en reparler tout à l'heure ou demain tranquillement. " On a le droit de prendre ce temps pour répondre.

ES : Y a-t-il une façon de se parler dans le couple pour améliorer la qualité relationnelle et la compréhension de l'un et de l'autre ?

LH : J'insiste toujours sur la douceur du ton. C'est fondamental ! C'est une preuve d'élévation de cœur et d'âme.

On vit dans un monde où il y a une surenchère de brutalité, d'excès dans les paroles, de non réflexion avant de s'exprimer. Pourquoi ne pas entrer en résistance en freinant et en prenant le temps de réfléchir à ce que l'on dit. Parler doucement, calmement, non pas telle une mitraillette. Prendre soin de parler en faisant de vraies phrases, de vrais dialogues et non dans le style SMS ou le style séries.

Il y a une chose sur laquelle j'insiste aussi souvent dans mes livres c'est de faire preuve de reconnaissance pour ce que l'autre fait. (" J'apprécie tellement ce que tu as fait, je te remercie. ") C'est important de féliciter, de montrer à l'autre sa fierté et sa joie de vivre avec lui.

Tout comme il est fondamental, de regarder vraiment la personne que l'on aime (et beaucoup moins son smart phone et ses écrans).

Les gens ne se regardent plus en se parlant. Je le vois sans arrêt en thérapie de couple. Même lors des séances, ils se parlent en regardant ailleurs, fuyant un échange les yeux dans les yeux.

Il est si important de vraiment se regarder lorsque l'on se parle dans un couple et en même temps, de se toucher, de se prendre la main, d'entrer en contact physique. C'est une manière de se dire : " Tu es là pour moi, tu n'es pas n'importe qui, tu es la personne fondamentale de ma vie. Tu comptes pour moi et même si on a un dilemme actuellement, on va se ressouder, mais on se touche, on se parle. "

L'autre sera tout de suite dans un autre état d'esprit. Il sera beaucoup plus accueillant dans ses propos, beaucoup moins sur la défensive. Il sera beaucoup plus ouvert à une discussion... plus calme.

ES : Dans votre livre " " , vous évoquez l'importance de la solidarité dans le couple, comment se traduit-elle à travers le langage entre les deux partenaires ?

LH : Chacun a pu en faire l'expérience. Au moment de la rencontre, les amoureux sont totalement soudés, non seulement physiquement mais aussi psychologiquement. En général, ils n'arrivent plus à se décoller de la personne aimée. La proximité est immense également dans la complicité des regards, des sourires et l'on sent qu'un lien magique les soude l'un à l'autre.

Même face à leurs amis ou à leur famille ils semblent totalement solidaires et soucieux de ne pas blesser l'autre par un propos qui serait désobligeant, qui serait vécu comme une désaffection. Chacun y veille. C'est ce qui contribue d'ailleurs à rendre ces débuts si délicieux, inoubliables et comblants sur tous les plans.

En fait, cela vient réveiller une sorte de sécurisation affective dont tout le monde a besoin, recherchant inlassablement, ce nirvana de toute la petite enfance où les bébés étaient, en général pour les plus chanceux, en totale complétude avec leur mère. Une mère est totalement en complicité avec son bébé. Elle fait attention à la moindre chose pour qu'il ne soit pas blessé, ou fragilisé.

Les adultes, continuent de chercher cette sécurisation affective.

Dans le début des relations amoureuses, cette complicité énorme, que l'on croyait perdue, refait surface.

Si elle disparaît au bout de quelque temps, la douleur de la frustration, du manque d'amour et de cette complicité se réveille avec encore plus de brutalité.

L'absence de patience, de délicatesse dans les propos, génère une distance, une espèce de lutte d'égos et d'influence avec un essai de prise de pouvoirs sur l'autre. Ce sera celui qui sera le premier à parler (quels que soient les arguments),à faire preuve de comparaisons négatives. On ressent alors une véritable douleur (même si elle est inconsciente), une douleur d'amour... Comme une désaffection.

ES : Dans notre vie stressée, nous n'avons pas toujours conscience du moment avec l'autre. Il est sans doute important de rester attentif, quotidiennement, à notre manière d'être et de parler avec notre conjoint(te).

LH : Oui tout à fait, c'est même l'axe de fragilité de la plupart des couples. Finalement notre plus grande gageure je dirais, la plus grande des complexités dans le couple, c'est justement de prendre tout ça à revers et de diriger véritablement sa vie. Ne pas être comme une espèce de petit fétu de paille, balloté dans tous les sens, par la vie et ses émotions.

Tout le monde a un rythme de vie compliqué maintenant, surtout dans les grandes villes. Même à la campagne, cela devient très difficile. Donc, dans nos couples, l'acte le plus beau et le plus ressourçant que l'on puisse faire, c'est de prendre soin, chaque instant de nos couples.

C'est vrai que cela demande une exigence avec soi-même. Mais lorsque l'on arrive à prendre soin de cette relation, c'est magnifique!

Le couple devient magnifique, parce qu'il n'en finit pas de grandir, d'évoluer. Contrairement à ce que beaucoup pensent en imaginant qu'au fur et à mesure des années, le couple va perdre de la vitesse et s'appauvrir en amour.

Je suis absolument convaincue que lorsque l'on prend soin chaque instant de son couple, en en faisant réellement et consciemment son objectif n°1, le niveau d'amour initial se développe chaque jour un peu plus.

Par miracle, on voit certaines personnes qui arrivent à quatre-vingts ans, quatre-vingt-dix ans et qui, en couple, sont toujours dans ce rapport de complicité, d'amour, de tendresse, de contact physique et de protection de l'autre.

Ce n'est pas un mythe, ce n'est pas un rêve, c'est possible et c'est à la portée de tous. Mais c'est vrai que cela demande de la vigilance et des efforts pour ne pas se laisser aller à cette espèce de flemme affective, de paresse d'amour qui invalide la plupart des couples. Cela demande d'être vraiment exigeant pour sa vie, son couple, mais d'abord vis à vis de soi dans le fonctionnement que l'on va avoir chaque instant avec la personne aimée.

C'est bien pour ça que l'on vit en couple, dans le but de s'apporter de l'amour et de l'harmonie, sinon cela ne servirait à rien de s'engager dans une histoire de couple.

ES : Y a-t-il un secret pour être heureux en couple ?

LH : L'un des plus grands secrets des couples heureux et de la pérennité de leur amour, est de se parler avec bienveillance et une réelle gentillesse. Et c'est à la portée de tous.

Liliane HOLSTEIN, Psychanalyste et thérapeute des relations familiales, THERAPIES DE COUPLES

Liliane Holstein est également auteure de trois livres : " Le burn out parental ", " Le Syndrome de la mouche contre la vitre " et " La magie du couple heureux " aux éditions Josette Lyon/Trédaniel.

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