Au premier abord, comme le soulignent plusieurs observateurs, Orange Bank ressemble pourtant beaucoup à ses concurrentes directes et la comparaison avec N26, visée plus ou moins explicitement dans les récents discours de Stéphane Richard, n'est pas nécessairement à son avantage. En particulier, les tarifs, sur lesquels elle était attendue, n'ont rien de renversant, avec la gratuité sur les services de base mais, par exemple, des frais de tenue de compte élevés pour les utilisateurs occasionnels (moins de 3 opérations de carte par mois) et une commission de 2% sur les transactions en devises…
Premier motif d'étonnement, alors qu'il a toujours été question de capitaliser sur le réseau de boutiques de l'opérateur pour offrir un service de proximité, Orange Bank s'avère bien être exclusivement mobile ! En effet (peut-être sous la pression des conseillers qui se considèrent déjà en sous-effectifs sur le métier de la téléphonie), il sera bien possible d'ouvrir un compte dans les 140 points de vente disposant actuellement d'un « corner » dédié… mais il n'est absolument pas prévu d'y exécuter la moindre opération.
L'entrée en relation, justement, révèle des faiblesses assez déconcertantes (dans sa version en ligne, en tous cas). Choisissant une solution de facilité en matière de procédure réglementaire de « KYC » (connaissance du client), Orange n'accepte que des clients possédant déjà un compte bancaire et une carte associée, utilisés pour le dépôt initial obligatoire. Plus triste, à l'ère émergente de l'activation immédiate du compte et du moyen de paiement, le nouveau client devra ici patienter jusqu'à 3 jours ouvrés.
En revanche, l'innovation la plus révolutionnaire (et inédite, à ma connaissance) d'Orange Bank risque de déconcerter les consommateurs, bien qu'elle me semble parfaitement légitime : outre l'impossibilité de réaliser des transactions en boutique, toute demande d'intervention d'un conseiller humain – par formulaire en ligne, par mail, par téléphone ou par tchat – pour une opération disponible en libre service sera facturée 5 euros. Voilà un moyen bien radical et dissuasif de stimuler l'autonomie des clients !
L'assistant virtuel d'Orange Bank sera mon dernier motif majeur de déception, bien qu'il soit difficile de parler de réelle surprise, tant il devient désormais clair que la solution retenue, Watson, est infiniment moins miraculeuse que ne voudrait le faire croire IBM. Si quelques tentatives d'échanges montrent rapidement des limites dans les compétences de « Djingo », sa principale lacune est surtout de n'être conçu, à ce stade, que pour renseigner sur l'offre et donner des instructions pour naviguer dans l'application mobile, et non pour aider l'utilisateur à gérer interactivement ses finances personnelles.
En synthèse, Orange Bank arrive sur un marché où elle n'est ni la première ni très originale et où ses concurrentes ont même déjà pris des parts significatives (citons notamment les 100 000 clients français de N26, les 150 000 de Revolut, les plus de 700 000 de Compte Nickel…). Il lui faudra donc tenir à court terme ses promesses d'offre enrichie pour parvenir à faire la différence. En attendant, elle pourra toujours compter sur les fans d'Apple Pay peu enclins à ouvrir un compte auprès d'une startup et sur les visiteurs des boutiques (si elles sont encore fréquentées par les consommateurs ?).