La fibromyalgie a tendance à coexister avec le reflux gastro-œsophagien (RGO). Cette étude de cohorte rétrospective menée pour valider l'association bidirectionnelle entre les 2 conditions, confirme l'association bidirectionnelle entre ces 2 conditions. Ces nouvelles données présentées dans la revue Pain impliquent certains traitements du RGO, les IPP (ou inhibiteurs de la pompe à protons) dont l'utilisation à long terme peut provoquer des carences vitaminiques, considérées comme des facteurs possibles de développement de la fibromyalgie.
Le Dr Chia-Hung Kao, MD, professeur à l'Université médicale de Chine (Taichung, Taiwan) rappelle la prévalence élevée des troubles gastro-intestinaux chez les patients atteints de fibromyalgie dont le syndrome du côlon irritable et le RGO, caractérisé par une remontée d'acide gastrique dans l'œsophage, la cavité buccale ou les poumons, provoquant une régurgitation et des brûlures d'estomac. Cependant, les mécanismes sous-jacents à cette relation restent mal compris, et c'est l'objet de cette nouvelle étude.
Fibromyalgie, IPP et RGO : Les patients atteints de RGO utilisent fréquemment des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) pour réduire la production d'acide gastrique. Cependant l'utilisation à long terme de ce groupe de médicaments peut altérer l'équilibre bactérien du microbiote intestinal et entraîner des carences en vitamine B12 et en magnésium, des facteurs possibles de développement de la fibromyalgie. Dans l'autre sens, les patients fibromyalgiques prenant des IPP pour d'autres problèmes gastro-intestinaux sont également à risque accru de RGO.
L'étude a donc cherché à évaluer cette association bidirectionnelle entre la fibromyalgie et le RGO et à préciser si les patients atteints de l'une ou l'autre de ces 2 conditions présentaient un risque plus élevé de développer l'autre maladie. La recherche a donc porté sur un premier groupe de 35.117 patients atteints de fibromyalgie et un second groupe de 34.630 patients atteints de RGO. L'incidence du RGO dans le premier groupe et de la fibromyalgie dans le second groupe a été déterminée à l'issue d'une période de suivi de 10 ans. Les résultats confirment une relation bidirectionnelle entre les deux maladies :
- l'incidence globale du RGO est 1,6 fois plus élevée dans le groupe fibromyalgie vs témoins, après prise en compte du sexe, de l'âge, des comorbidités et des médicaments ;
- l'incidence globale de la fibromyalgie est 1,5 fois plus élevée chez les patients atteints de RGO vs témoins ;
- les patients atteints de fibromyalgie mettent plus de temps à développer un RGO que les patients atteints de RGO à développer une fibromyalgie, ce qui peut s'expliquer par une prévalence plus élevée de comorbidités dans le groupe RGO ;
- les patients atteints de RGO avec ulcère gastroduodénal et les patients prenant des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) présentent un risque plus élevé de développer une fibromyalgie -en raison très probablement d'une perméabilité intestinale altérée.
- les taux d'incidence de l'une ou l'autre maladie dans " l'autre " groupe augmentent avec l'âge.
Les comorbidités psychiatriques, telles que la dépression et l'anxiété, l'épuisement et le stress, ainsi que le manque d'exercice physique pouvant entraîner des troubles de l'humeur pourraient favoriser le RGO chez les patients atteints de fibromyalgie. La privation de sommeil liée au RGO et à la fibromyalgie, qui peut exacerber la douleur, pourrait être un autre facteur clé.
Des résultats en faveur d'une relation bidirectionnelle entre la fibromyalgie et le RGO, avec un risque plus élevé de développer un RGO pour les patients fibromyalgiques que de développer la fibromyalgie pour les patients atteints de RGO. Des résultats qui incitent à surveiller, dans les 2 cas de figure, l'incidence de ces comorbidités.