un garçon (i)
j'étais un garçon solitaire oui
rien de ce qui plaisait aux autres ne
trouvait grâce pour moi très à l'écart
je cultivais des fleurs dans mon jardin
mais craignant qu'elles ne soient piétinées
je les tenais cachées fleurs vénéneuses
rarement belles rarement suaves
je les portais comme un secret maudit
dont les racines plongeaient dans mon cœur
pour le ronger de leur succions barbares
et j'en avais des maux de tête alors
pour essayer de refroidir ma fièvre
je posais mon front nu contre un poteau
de fer supportant le poids du préau
et restais ainsi pendant que les autres
s'amusaient à leurs jeux qui m'ont paru
toujours contraignants toujours ennuyeux
j'aurais voulu comme les chevaliers
couverts de fer parcourir à cheval
les contrées sans culture grandes landes
où le pas de la bête est amorti dans l'herbe
où le regard s'égare sans entrave
enfourché sur la peau de l'animal
avec entre mes cuisses son pelage
allant à travers ces landes bourrues
j'avançais sans savoir pourquoi j'allais
dans cette espèce de midi perpétuel
fait de soleil fraîchi de faible brise
et de bruit de feuillage remué
et d'herbe couchée et de gros cailloux
roulés par le sabot de la monture
(c'est étrange que comme dans les films
on n'a jamais faim ni soif dans les rêves
et qu'on peut vivre des jours infinis
sans un bout de pain dans son sac ni d'eau
dans un bidon pour se désaltérer)
j'avais encore en ce temps-là un nez
qui respirait puissamment les odeurs
et donc la transpiration du cheval
entrait profondément dans mes narines
et de la sentir j'avais de l'ivresse
une ivresse un peu lourde un peu maussade
comme en ont les garçons les jours d'été
qui sont trop longs et où il fait trop chaud
c'était dans le beau temps de la jeunesse
où l'on n'a pas le soin des choses borgnes
monarque prince on peut l'être à cet âge
simplement en allant sur un cheval
qui vit fièrement dans un paysage
de landes rêvées de ciel éternel
on n'avait pas à se soucier des forces
elles étaient en soi blotties vivantes
on les savait devoir fleurir bientôt
par une grâce inconnue attendue
plus sûrement que la venue du jour
lequel sans déroger revient toujours
vous avez déjà senti sur la peau
de vos jambes le pelage dur d'un
cheval ? cette chaleur ? cette présence ?
et en été pourtant ah ! quel ennui !
quelle poisse cette sueur ah ! comme
cela colle désagréablement
sur la peau des jambes serrant la bête !
cependant quand on se rêve à cheval
comment ne pas imaginer qu'on doive
un jour ou l'autre arriver quelque part ?
William Cliff, Épopées, Editions de La Table ronde (Collection l'usage des jours animée par Jean-Claude Pirotte), 2008, p. 109.
contribution de Benoît Moreau
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poétique 4, extrait 2, Immense Existence,, note de
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