je ne peux moi-même me souffrir,
et me dérobe la faute et non au châtiment
l’amour, dont je suis de naissance le vassal.
Je souffre et n’ose le déclarer,
tant je vois comme impossible le bien que je poursuis,
car me condamnant ce que je dis,
je ne puis me prévaloir de ce que je tais.
Je feins d’être heureux, ne l’étant pas ;
je voudrais des raisons donner et muet me tiens,
et d’être à bout je me défends.
Je confie au temps ce dont en tout je doute,
et veux clairement montrer qu’à la fin mourant
put davantage en moi l’amour que le dommage.
*
Buscando siempre lo que nunca hallo,
no me puedo sufrir a mí conmigo
y encubierta la culpa y no el castigo
me tiene amor, de quien nací vasallo.
Yo sufro y no me atrevo a declarallo
con ver tan imposible el bien que sigo,
que cuando me condena lo que digo
no me puedo valer con lo que callo.
Sigo como dichoso, no lo siendo;
quisiera dar razones y estoy mudo
y de puro rendido me defiendo.
Del tiempo fío lo que en todo dudo,
y en fin he de mostrar claro muriendo
que en mí el amor más que el agravio pudo.
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Comte de Villamediana (1582-1622) – Poésies (Orphée/La Différence, 1989) – Traduit de l’espagnol par Robert Marteau.