Que serait l'existence sans une petite dose de médisance?
C'est l'évidence même. Les mauvaises langues ont rarement mauvaise conscience.
Quel régal de mettre l'accent sur le mal.
Pas besoin d'être pervers pour voir les autres de travers, d'occulter leur conformité et de pointer leur difformité.
Dire du mal, ça fait du bien. Ça rend plus malin. Plus pertinent.
Les défauts sautent aux yeux... les qualités, ça sonne creux !
Moins on est indulgent, et plus on a l'impression d'être intelligent.
On n'y peut rien. Chacun voit le malin dans l'œil du voisin et non le malin et demi dans le sien.
Mais là n'est pas mon sujet de préoccupation :
Je ne me demande pas si je vois ou pas le mal, mais si je suis capable de ne pas le divulguer, le propager, le publier ?
Si je peux retenir ma langue et m'abstenir de dire du mal des autres.
Dire que celui ci est un tyran... celui-là un coureur de jupons, celle-ci une andouille, celle-là la reine des magouilles...
Il ne s'agit pas du tout d'une morale à suivre mais de tout un art de vivre.
Ça n'en a pas l'air mais c'est loin d'être arbitraire : j'entends une petite voix à l'intérieur de moi qui me rend de temps en temps visite et qui me dit :
Il y a un lien caché entre le bien, le beau et le vrai. Dire du bien des autres, ça rend beau ce qui est laid et vrai ce qui ne l'est pas. Et c'est tout sauf niais.
Ce n'est pas de la chimie, mais de l'alchimie que de transformer le plomb
en or.
Les anciens appellent ça de la bienveillance, c'est à dire voir et vouloir le bien pour les autres comme pour soi. Avoir une parole impeccable...qui ne pêche ni par excès, ni par défaut
Tu vois, je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'avant d'exercer mon corps à avoir une forme appropriée, je devrai exercer mon âme à avoir un fond approprié, dépourvu d'insanités.
Ceux qui ont étudié le grec de l'antiquité partageront sans peine ma joie parce qu'ils savent que le mal n'existe pas, et que c'est nous qui le faisons exister.