Parce que l'innovation inclut désormais (presque) toujours une dimension technologique, notamment dans le secteur financier, nombre de DSI aiment à croire et proclamer qu'ils sont les mieux placés dans l'entreprise pour la mener. Malheureusement, il leur reste encore d'immenses progrès à accomplir s'ils désirent concrétiser cet espoir.
Le sujet est justement abordé – sous l'angle spécifique de l'innovation ouverte – dans un récent rapport [PDF] du CIGREF, le club des DSI des grands groupes français. Ses conclusions sont typiques : les directions informatiques sont un partenaire incontournable dans les démarches. Jusque-là, rien à redire : il serait stupide de vouloir innover sans qu'elles soient impliquées, notamment en préparation du déploiement futur des projets en incubation (comme je le soulignais dans mon billet d'hier).
En revanche, la perspective adoptée par le CIGREF laisse entrevoir une ambition dépassant largement les capacités actuelles. Ainsi, l'idée que les DSI disposeraient d'une position privilégiée, primordiale pour l'innovation, parce qu'elles ont, par essence, une vision transverse de l'organisation, révèle un aveuglement tragique. En effet, hormis quelques rares exceptions, les structures informatiques des entreprises reproduisent à l'identique les silos existants et leur nature holistique est totalement théorique.
Autre proposition louable mais, hélas, profondément contestable : « la DSI est un catalyseur auprès des métiers pour identifier de nouveaux usages ». Il suffit de se référer à une enquête de Gartner auprès de plus de 350 responsables informatiques de banques et sociétés d'investissement dans le monde pour en identifier la fragilité puisque, si un quart d'entre eux citent la transformation « digitale » parmi leurs priorités « business », ils ne sont plus que 11% à inclure la focalisation sur le client dans leur sélection.
C'est là un vieux travers des directions informatiques (mais pas de toujours, comme on le croit souvent). Comment la DSI peut-elle jouer un rôle dans les usages de nouvelles technologies et, donc, plus généralement, dans l'innovation, si elle ne s'aligne pas, comme tout le reste de l'organisation, sur une approche centrée sur le client ? Tant que perdurera la culture du client interne, qui veut que l'informatique soit au service de ses seuls interlocuteurs « métier », elle ne sortira pas de son statut de fonction support.
La solution ? Elle est très simple (sur le papier) ! Si la direction informatique veut contribuer activement à l'innovation, elle doit commencer par sa propre transformation digitale. Et il ne lui suffira pas pour cela de mettre en place des équipes de développement agile (qui ne voient jamais un client, la plupart du temps) ou de déployer un réseau social d'entreprise et une plate-forme collaborative d'idéation. Il lui faudra commencer par reprendre contact avec la mission de l'entreprise et avec ses clients…