Un voyage, une lecture, une rencontre, les portes s'ouvrant sur une révélation capable de bouleverser une vie sont multiples. Pour Flox, c'est lors d'un concert à La Réunion, dans le cirque de Mafate, endroit reculé de l'île accessible uniquement à pied, que tout s'est matérialisé. Coupé du monde, après plusieurs heures de marche dans les sentiers, le multi-instrumentiste anglais a de nouveau renoué avec l'impression enivrante et infinie de se retrouver perdu, privé de tous ses repères. Mais surtout, envahi par la sensation grisante d'être à nouveau en danger. Une sensation qui, le temps aidant, avait fini par s'évaporer lentement. Un sentiment qui l'avait peu à peu quitté à mesure que sa vie s'était stabilisée, emportant avec lui inspiration et feu créatif. Suivre ses envies, brûler ce qu'on a vécu pour aller encore plus loin, rebattre les cartes de sa vie et jouer avec un jeu fermé : c'est tout cela qui aura été le moteur de Taste Of Grey, sixième album de Flox. Un album conditionné par l'inspiration, chaque titre s'étant construit sur l'humeur du moment, laissant l'émotion première paver le chemin de la création quand il aurait été parfois plus facile de repenser le travail de zéro. Avec le risque de perdre l'étincelle qui l'avait fait naître... Artisan multi-cartes à l'aise à tous les postes de la création artistique, c'est encore et toujours seul que Flox aura composé, écrit, joué, arrangé, enregistré et mixé Taste Of Grey, assemblage complexe d'organique et de digital, cadencé par les vrombissements des riddims Jamaïcains autant que par la dextérité des funky beats. Désosseur de musiques pour mieux créer la sienne, c'est dans son studio qu'il aura passé des heures à souder sur les nervures du groove circuits imprimés, interrupteurs, et de quoi réguler la circulation du flux electro, la mise en place d'un va-et-vient entre rap et chant, le passage des climats durs vers des plus onctueux. Le renflement des basses et la distillation d'effets qui pour les plus timides iront se cacher dans les tréfonds d'une écoute au casque. Plutôt que le choix manichéen du noir ou du blanc, Flox a choisi la voie des zones grises et plus nuancées. Aller vers l'inconnu, écrire des chansons d'amour quand les thèmes politiques s'étaient jusqu'alors réservés les meilleures places, parler sentiments et desserrer un peu les poings pour construire un album où l'agencement des titres raconte une histoire. Rien n'empêche d'écouter Taste Of Grey en enclenchant la lecture aléatoire, sauf à vouloir modifier le sens de l'histoire...