Je vais mourir avant que le soleil ne se lève
en vain tu m’attends devant ta fenêtre grande ouverte
tu cherches un objet qui te rappelle
le geste que j’ai fait en enlevant mon manteau
mais je n’ai rien oublié chez toi
Si tu as sommeil étends-toi sur moi merveilleuses
sont les villes car elles sont loin et
d’un pas léger élancé la lune marche sur les toits
Veux-tu que je pleure ou veux-tu entendre
des contes colorés sur l’automne
quand dans la profondeur des jardins lointains on
ramasse
les innombrables feuilles mortes
et on allume les tas secs qui craquent
Les ailes des nuages étaient bleues ils aimaient
les montagnes assombries
et chantaient parfois
pendant qu’ils flottaient au-dessus des arbres
bourdonnants
Veux-tu entendre un conte qui parle de chansons lentes
et d’hommes qui s’en vont dans le vent
pour que personne ne se souviennent d’eux
Je vais mourir avant que le soleil ne se lève
tu m’attends en vain devant ta fenêtre grande ouverte
tout autour il y a des maisons blessées
qui m’observent
Agota KRISTOF, Clous, traduit du hongrois par Maria Maïlat, Editions Zoé, 2016
Bruxelles, novembre 2016
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