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Le destin tragique d’une danseuse devenue espionne

Publié le 27 octobre 2017 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Recherche par tags (mots-clés) Recherche d'évènements (agenda) Inaugurée le 14 octobre 2017, elle se tiendra jusqu’au 2 avril 2018. Elle est consacrée à Mata Hari, native de Leeuwarden, capitale de la Frise, dans le cadre du 100e anniversaire de sa mort le 15 octobre 1917. C’est d’ailleurs la plus grande exposition jamais organisée sur la célèbre espionne mais aussi danseuse et surtout courtisane. Sont ainsi présentés des objets récemment acquis qui évoquent son rôle de femme et mère aux Indes néerlandaises, effets personnels, photographies, cahiers, albums où elle notait minutieusement les photos, affiches, critiques et autres articles publiés à son propos, lettres et documents militaires dont quelques transcriptions des interrogatoires effectuées par le service du contrespionnage français en 1917. A cette occasion, le musée Guimet a prêté au Fries Museum une statue de Shiva ainsi que 14 marionnettes Wayang, pièces qui avaient servi de décor lors des premiers spectacles qu’y avait donnés Mata-Hari. On pourra y voir aussi son portrait réalisé en 1916 par le peintre néerlandais Isaac Israëls, venu du musée Kröller-Müller à une centaine de km au sud-est d’Amsterdam, et entièrement rénové tout récemment.

Mata Hari est née Margaretha Geertruida Zelle le 7 août 1876, à Leeuwarden. Pour fuir un environnement qu’elle souhaiterait plus brillant, elle se marie à 18 ans avec l’officier Rudolf MacLeod, son aîné de 20 ans, qui sera un époux violent. Ils partent aux Indes orientales néerlandaises, l’actuelle Indonésie, où il commande une garnison. Là, elle trouve un cadre de vie correspondant davantage à ses rêves. Elle aura deux enfants, Louise Jeanne affectueusement surnommée Nonnie et Norman John mort très jeune.

Revenue aux Pays-Bas, elle ne supporte pas la vie paisible dans un village éloigné de tout et le couple divorce en 1902. Margaretha se disant veuve et se faisant appeler Lady Mac Leod arrive à Paris en 1903, exerce quelques petits métiers parmi lesquels on s’en doute la galanterie. En 1905, elle fait la connaissance de l’industriel lyonnais et collectionneur d’objets d’art Émile Guimet qui l’invite à se produire au musée des études orientales qu’il a fondé et qui deviendra l’actuel musée national des Arts asiatiques Guimet. Elle prend le nom de Mata Hari, "œil du jour", ou "soleil" en hindi, en réalité en malais mais personne ne s’en rend compte… La fille du chapelier de Leeuwarden s’invente un passé de rêve dans les temples hindous et le tout-Paris se laisse complaisamment berner. Son premier spectacle a lieu le 13 mars 1905 dans la bibliothèque du musée. Très peu habillée et même pas du tout à la fin de son spectacle, elle présente des danses prétendument indiennes dans une mise en scène audacieuse pour l’époque.

Le succès est tel que les salons se l’arrachent et elle gagne énormément d’argent. Un journaliste du Courrier français écrit: "Elle ondule sous les voiles qui la dérobent et la révèlent à la fois. Et cela ne ressemble à rien de ce que nous avons vu. Les seins se soulèvent avec langueur, les yeux se noient. Les mains se tendent et retombent, comme moites de soleil et d’ardeur". Et si l’on en croit Colette qui l’a vue chez la cantatrice Emma Calvé, "elle ne savait guère danser, mais elle savait se dévêtir progressivement et mouvoir un long corps bistré, mince et fier". On aura compris qu’elle pratiquait l’effeuillage. Sa réputation est telle que beaucoup de scènes européennes la réclament, la Scala de Milan, aussi bien que l’Olympia de Paris. Berlin, La Haye, Madrid ou Vienne. En 1906, on la voit même sur la scène de l’Opéra de Monte-Carlo dans le ballet du IIIe acte de l’opéra de Jules Massenet "Le Roi de Lahore". Puccini l’admire mais Diaghilev refuse de l'engager pour les Ballets russes, on lui fait discrètement comprendre que ce n’est pas du tout le genre de cette compagnie…

Le temps passe, les goûts évoluent, d’autres danseuses plus jeunes font leur apparition et Mata Hari voit son étoile pâlir. Les engagements se font rares même dans les établissements les moins prestigieux. Et comme elle a conservé ses goûts de luxe, pour les satisfaire il lui faut de l’argent. Elle multiplie donc les liaisons et va se laisser tenter par l’espionnage. Pour lequel elle dispose de plusieurs atouts, de nombreuses relations, elle parle plusieurs langues et est détentrice d’un passeport néerlandais, d’un pays neutre. Et cela lui sera d’autant plus facile qu’elle a depuis toujours un penchant pour l’uniforme et aurait pu chanter avec la Grande-duchesse de Gerolstein chez Offenbach "Ah! Que j'aime les militaires". Elle les aime tellement que la déclaration de guerre en 1914 la surprend à Berlin où elle vit avec un officier allemand. Commencera donc une succession de voyages, au début de 1916 elle est contactée par le consul allemand à La Haye qui lui propose de régler ses dettes en échange de quelques renseignements sur la France. Elle devient l’agent H 21.

Elle repart en France en passant par l’Angleterre où la police l’interrogera, la laissera repartir mais préviendra les services français du contre-espionnage, en particulier le capitaine Ladoux de la Section de centralisation des renseignements du Deuxième Bureau de l’état major de l’armée. Elle retourne en Hollande en passant par l’Espagne où pullulent les espions. Elle est abordée par l’attaché militaire allemand, il transmet ses renseignements à Berlin, ils sont interceptés par Paris. Follement éprise du bel officier russe Vadim Maslov, elle tente de le rejoindre à Vittel où il est blessé. Elle négocie un laisser-passer avec Ladoux qui lui demandera des renseignements sur les Allemands. Ce rôle d’agent double la perdra. Le 17 février 1917, elle est arrêtée dans la suite 113 de l’hôtel Élysée Palace, au 103 de l’avenue des Champs-Élysées, actuellement siège d’une grande banque. Bien qu’elle soit sortie de la salle de bains entièrement nue… Elle est conduite devant le capitaine Bouchardon, rapporteur près le Conseil de guerre et accusée d’espionnage, complicité et intelligence avec l’ennemi. Elle est incarcérée à la prison Saint-Lazare. Son procès commencé le 24 juillet, à huis clos devant des juges militaires, est expédié en trois jours. A l’audience, le bel officier russe Vadim Maslov n’hésitera pas à la qualifier "d’aventurière". Elle est condamnée à mort pour intelligence avec l'ennemi en temps de guerre sur réquisitoire d'André Mornet, substitut du procureur. Il fustigera "la Salomé sinistre qui joue avec la tête du soldat français". Sa grâce est rejetée par le président Raymond Poincaré.

Au Polygone de tir de Vincennes, le 15 octobre 1917 à 6h15, "Quelle étrange coutume des Français que d’exécuter les gens à l’aube!" aurait-elle dit, Mata Hari est face au peloton d’exécution, elle refuse un bandeau sur les yeux et envoie un baiser aux soldats. Le médecin-chef de la Préfecture de police qui en fut témoin, évoque dans ses mémoires parus en 1925 le sang-froid dont elle fit preuve face à la mort. Le maire de Vincennes établit un certificat de décès dont une copie est envoyée au bureau de l’état-civil de Leeuwarden. Il y arriva deux ans plus tard, c’est une des pièces que l’on peut voir dans l’exposition.

On démontrera par la suite que les informations qu’elle fournissait étaient de peu d’importance et l’impitoyable procureur Mornet qui requerra une trentaine d’années plus tard contre Pierre Laval et Philippe Pétain, devait, dit-on, avouer: "Il n'y avait pas de quoi fouetter un chat"
Personne ne réclama le corps de Mata-hari, il fut remis à l’École de médecine de Paris et offert à la dissection des étudiants. Le lendemain, les journaux parisiens titraient "La fin d’une espionne. Mata Hari a été fusillée. La danseuse hindoue a expié hier l’odieuse trahison dont elle s’était rendue coupable à l’égard de la France" dans le Matin. Ou "Mata Hari a payé de sa vie la trahison commise envers la France qui l’avait si bien accueillie" dans Le Petit journal.
Elle devint alors un véritable mythe et le nom de cette femme fatale de la Belle époque fait toujours fantasmer.

Cette vie mouvementée n’a jamais cessé d’inspirer livres, séries, comédies musicales et même en 2016 un ballet aux Pays-Bas, du chorégraphe Ted Brandsen, sur une musique de Tarik O'Regan. Au cinéma, de grands metteurs en scène ont été tentés par le sujet et de nombreuses actrices l’ont fait revivre, telles Greta Garbo, Sylvia Kristel, Jeanne Moreau et Marlène Dietrich.

Rédaction internationale En savoir plus sur cet auteur

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